amedi 20 août 1994

Île de Penfret - La belle époque de, la cabane Le Floc'h

La cabane Le Floc'h se disloque.C'est parce que l'île de Penfret se trouve à environ une vingtaine d'encablures, soit presque deux milles, du débarcadère de l'île Saint-Nicolas, qu'elle n'est heureusement que très peu fréquentée en été par les hordes de touristes transportées par les vedettes rapides et déversées sur l'archipel en moins de temps qu'il n'en faut qu'une traversée de Paris en métro... C'est ainsi que l'île, outre son aspect sauvage plutôt rassurant, a conservé une partie de ses mystères, de son vécu et de son authenticité. Les vestiges d'une modeste cabane blanche, située dans le milieu de l'île et à proximité de bâtiments du CNG (Centre Nautique des Glénans) construits depuis, semblent rappeler qu'une animation certaine régnait certains soirs sur Penfret, il y a une soixantaine d'années.

Nous sommes un samedi d'été en 1936 : trois touristes parisiens se font débarquer d'une pinasse dans l'intention de "jouer les Robinsons" le temps d'une journée sur l'île apparemment déserte : soudain l'incroyable se produit ; non loin d'eux, sur un rocher, une sorte de géant, drapé dans une toge rouge, une couronne enfoncée sur la tête, l'air menaçant et brandissant un énorme sceptre de carton interpelle les trois hommes interloqués : "Dehors, misérables étrangers, ne troublez pas davantage la quiétude de ces lieux enchantes ! Sachez, imprudents, que je suis Sa Majesté Benamen Premier; souverain incontesté de ces terres "... Benamen Premier n'est autre qu'André Le Floc'h, un commerçant concarnois qui avec ses amis ont acheté un bout de terrain sur lequel ils ont construit la cabane Le Floc'h et viennent y passer les week-ends. Autant dire que l'ambiance est chaude les fins de semaine sur Penfret, chacun apportant victuailles et de quoi se désaltérer, car l'air des îles, comme tout le monde 1e sait, a une fâcheuse tendance à "dessécher les gosiers"... ; les joyeux lurons ont même réussi à apporter un piano mécanique, dans la cabane pour le plus grand bonheur des gardiens de phare et du sémaphore qui ne rechignent pas à se joindre aux agapes ! Il a même été décidé que les bouteilles apportées sur l'île serviront à la confection d'un mur d'enceinte autour de la cabane : la cause étant d'utilité publique, chacun fut mis à contribution et donna le meilleur de lui-même pour réussir ce vaste chantier... Une fresque, réalisée par un artiste peintre, représentant des vagues et des poissons orne aujourd'hui encore les murs de la cabane qui a subi les outrages du temps et certainement de vandales. Marcel Cbaffron, qui vit toute l'année sur l'île Saint-Nicolas, n'a pas oublié la ,joyeuse époque (il avait alors 6 ans) où, habitant la cabane Le Floc'h avec ses parents, la "fine équipe" apportait chaque week-end des friandises pour les petits îliens... Lorsque les prémices de la seconde guerre mondiale se manifestèrent, les amis se quittèrent et la cabane, se vida de ses occupants. La cabane Le Floc'h méritait bien un petit détour cinquante huit années plus tard !...

Merci à Michel Guéguen et à Louis-Pierre Le Maître pour les précieuses indications puisées dans leur ouvrage « Le cercle de mer ».

Jean Puloc'h

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