- By: Jackez CORNOU
- In: Cap Caval
Revue CAP CAVAL
Edition Cap Caval
BP 42
29120 Pont L'Abbé
02 98 66 00 62
Responsable de la publication : Jakes Cornou
- By: Jackez CORNOU
- In: Cap Caval
Revue CAP CAVAL N° Spécial Glénan
Edition Cap Caval
BP 42
29120 Pont L'Abbé
02 98 66 00 62
Responsable de la publication : Jakes Cornou
- By: Bruno JONIN
- In: Cap Caval
Au large de Fouesnant, sept îles et une multitude d'îlots émergent langoureusement d'une brume qui tarde à se lever à l'aube de cette nouvelle journée.
Ces îles, dit-on, ont rencontré le soleil chaud des Antilles le sable blanc et fin de Mooréa. En passant elles ont trouvé un lagon qu'elles ont mis dans leur chambre. Elles ont ramassé quelques cailloux au Cap Horn et en ont fait un grand château. À la fin de ce si long voyage qui a duré des milliers d'années tout autour de la mer, tout autour de la terre, elles ont décidé de se reposer un peu, de jeter l'ancre à quelques encablures de la côte pour protéger un peu leur intimité.
Ceux qui désirent les rejoindre partageront avec elles le sel de ce qu'elles ont vécu après un si long trajet.
Elles offriront alors à leurs hôtes quelques plages blanches pour s'y dorer la peau, une eau limpide et claire pour s'y baigner, quelques turbulences pour gonfler les voiles des navigateurs, moults poissons et crustacés pour les pêcheurs et de mystérieuses épaves retenues à jamais dans les mailles serrées de leurs roches, pour les plongeurs intrépides.
Bruno JONIN
- By: Jackez CORNOU
- In: Cap Caval
La fréquentation des îles de l'archipel apporte à ceux qui s'y rendent un ravissement toujours renouvelé et une occasion de dépaysement sans égal. Cette nature à l'état brut, paisible ou tourmentée" transparente ou opaque selon le temps qu'il fait, la hauteur des marées ou la saison, ne laisse jamais indifférent et vous offre la meilleure occasion d'exotisme qui soit à une heure de route du continent.
L'atmosphère iodée et vivifiante qui en émane à le don de vous décaper le corps et l'esprit, de régénérer les organismes les plus alanguis: une vraie cure de thalassothérapie permanente.
Si sur terre des fleurs rares y poussent, la flore et la faune sous-marine n'en sont pas moins originales et des plus diverses. Les poissons et les crustacés y abondent, c'est l'un des viviers les plus riches du littoral breton.
Les hommes aussi furent présents sur ces îles depuis la préhistoire et à toutes les époques. Venus de toute part ils se disputèrent les lieux et se heurtèrent parfois à ses récifs dans des conditions souvent dramatiques.
Quantité de récits légendaires ou historiques, évoquent l'épopée aventureuse qui s'y déroula en permanence. Pour mettre en évidence tous ces aspects, souvent méconnus de l'archipel, nous avons essayé de dresser dans ce magazine une sorte d'état des lieux, présenté et décrit par les meilleurs connaisseurs et spécialistes; un panorama éclectique à l'intention des nombreux visiteurs qui comme chaque année vont s'y rendre et tomber sous le charme.
Jakez CORNOU
- By: Michel GUÉGUEN
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
Une poignée d'îlots minuscules balayés d'embruns par les tempêtes de noroît, un vallonnement d'ajoncs, de fougères et d'herbes roussies de soleil et de sel... Certes un paradis pour les sternes et les goélands, penserez-vous, mais sûrement pas un lieu ou fixer sa demeure ! Tout juste peut-être le temps d'une partie de pêche, d'une escale de quelques jours ou d'un été de farniente... Et pourtant, demandez donc aux derniers sédentaires accroches a Saint Nicolas ou au Loc'h s'ils souhaiteraient meilleur mouillage. Prenez le temps d'interroger les milles traces laissées par les hommes qui vécurent là. C'est tout un monde cosmopolite, surgi du passe, que vous réveillerez soudain car les Glénan, loin d'être de simples récifs redoutes de marins, furent tout au long des siècles le lieu de rencontre d'hommes venus de tous les horizons.
- By: Louis-Pierre LE MAÎTRE
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
Pour avoir cosigné avec Michel Guéguen " Le cercle de mer ", Louis-Pierre Le Maître était bien placé pour parler en connaisseur de l'archipel. Il nous révèle cette fois une information tout à fait inattendue, recueillie outre-Atlantique, sur les traces d'un recteur des Glénan. Ceci par l'entremise d'un roman dont une américaine situa l'intrigue en ces lieux, et qui fut publié avec succès en anglais.
Lire la suite : Le dernier recteur des Glénan : Célèbre aux U.S.A ! ! ! par Louis-Pierre Le Maître
- By: Roger WEIGÈLE
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
L'article de Roger Weigèle et un complément de Michel Gueguen (photos envoyées par Jean le Bloch ancien president du GAP)
Devenus autonomes grâce aux nouvelles techniques (bouteilles, combinaisons...) généralisées après la dernière guerre, les plongeurs sous-marins découvrirent de nouveaux horizons à explorer dans le monde des abysses. Des clubs virent le jour et s'organisèrent dans notre région et bien vite on se rendit compte de l'exceptionnelle richesse des fonds autour des îles, ainsi que de la limpidité de l'eau en ces lieux. C'est ainsi que germa très vite l'idée d'une base aux Glénan. L'un de ses fondateurs, Roger Weigèle, nous détaille la chronologie des faits et la vie du centre qui fête aujourd'hui ses trente ans)
Lire la suite : Le Centre International de Plongée depuis 30 ans par Roger Weigèle
- By: Annie CASTRIC
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
Annie Castric et Claude Chassé (chercheurs au C.N.R.S.), du laboratoire de biologie marine de Concarneau, nous présentent la richesse extraordinaire de la vie sous-marine dans l'Archipel, avec quelques découvertes originales ou typiques des Glénan.
C'est à partir de la thèse de 3e cycle "Distribution de la zone fixée infra-littorale sur les roches des Glénan" (1967) poursuivie en thèse d’état en 1974 que nos chercheurs ont entrepris cette vaste étude d'un monde qu'il faudra un jour protéger plus sérieusement.
Dès l'arrivée dans le lagon de la "Chambre" la limpidité de l'eau émerveille, et laisse entrevoir le fond de sable clair parsemé de taches sombres de varech, animé de formes fugitives. Vite, un masque, un tuba et des palmes pour voir de plus près ce monde fascinant qui s'étend à quelques mètres sous le bateau !
"Pas si vite ! Avez-vous pris votre planchette de relevé ?" Cette petite phrase, leitmotiv des stages "Bio" annonce déjà la couleur: Plonger oui; mais plonger utile en aidant les scientifiques à surveiller la bonne santé écologique de votre Archipel préféré.
Les premiers coups de palme de la "bio"
A l'écart des pollutions continentales, les Glénan constituent encore un milieu de référence, où les phénomènes naturels peuvent se dérouler, en théorie mais nous y reviendrons en dehors de l'influence de l'homme. De cet observatoire privilégié pour l'enseignement et la recherche, une "veille écologique" est conduite depuis ces 9 dernières années, avec les plongeurs amateurs du stage "Bio" du C.I.P. et de l'A.D.M.S. (L'ADMS, association pour la découverte du monde sous-marin, fait participerles plongeurs-amateurs aux recherches pour une meilleure connaissance de ce milieu. Siège: MafInaflum 29900 Concarneau). Au cours de ces stages, nous essayons tous ensemble de saisir les relations des organismes avec le milieu, et celle des organismes entre eux, telles que "Qui mange quoi ? Combien ?" (C'est çà l'écologie ! ) de façon à dresser le schéma de fonctionnement des fonds rocheux sous-marins avec le bilan des quantités des mangeurs et des mangés (Ceci c'est le but scientifique!)
L'aventure, pour 5 d'entre nous: Christine, Marie-Té, Panchika et les Annie a commencé à vrai dire, il v a 25 ans, et ce n'est pas sans émotion que me reviennent en mémoire ces temps héroïques: Pen a Men, 2 octobre 1964, 7 h du matin, à bord du "GOYEN", pour des mesures de lumière en continu. Après une bonne nuit, emmitouflées dans les duvets, un doux clapotis sous la banette, tout à coup on entend: "Annie, on coule! " et Panchika de se recroqueviller dans sa banette : "Bah, ce bateau a bien tenu 50 ans, il tiendra bien un jour de plus! ". On sauvera le bateau de justesse, mais il était grand temps !
Des mammouths aux Glénan
Au fil des thèmes abordés durant ces stages, nous allons découvrir la variété des sites de cet Archipel.
Mais d'abord un coup d’œil sur le passé, pour en comprendre les formes qui influent si fortement sur le peuplement des fonds. Le modelé du relief, tant terrestre que sous-marin, est lié à la nature de la roche, la granulite (variété de granit), altérée sur place sous le climat sénégalais de l'ère Tertiaire, puis déblayée au cours des allées et venues des mers du Tertiaire et du Quaternaire. Durant cette dernière période, la mer s'est retirée 4 fois au moins, durant les âges glaciaires, découvrant une plaine large de 100 kms parcourue de rennes et de mammouths, située jusqu'à 140 m plus bas qu'aujourd'hui, alors qu'aux périodes chaudes intercalées, les Glénan étaient à fleur d'eau comme maintenant, parfois même entièrement submergés. Les niveaux où la mer a séjourné plus longtemps ont donné de larges plates-formes, telles celle du Loc'h à 4-5 m, ou celle de Penfret à 13-15 m au dessus des hautes mers. La mer, en regagnant son niveau actuel, a déblayé les sables de la roche saine, les transportant et les déposant dans les lieux calmes, laissant des formes "en boules". Déstabilisées par le choc des vagues, celles-ci se sont éboulées en gigantesques chaos, formant la topographie que l'on observe actuellement sous l'eau.
Ces chaos de blocs ménagent de nombreux surplombs, couloirs, grottes, trous, failles, interstices, peuplés qui de leur vieille, qui de leur congre, de leur tourteau, étrille, galathée, ormeau, rangée de crevette-bouquet
Les algues
Le premier thème abordé premier maillon de la chaîne alimentaire est la production végétale. Les stagiaires de juin 81 se souviendront longtemps de la "manip laminaires", avec d'énormes sacs à patates remplis d'algues, déversées sur le pont du bateau devenu une vrai patinoire! Les mesures, les pesées, avec le roulis, dans le jus filant des laminaires... Ii s'agissait dé récolter tous les pieds dans 4 m2, à 10 profondeurs différentes!!!
Véritables forêts sous-marines où l'on évolue sous le dais des frondes, à la poursuite de quelque coquette, admirant au passage des parterres d'algues rouges. Les laminaires descendent en se clairsemant jusqu'à 26m, à l'ouest, où l'eau est la plus claire. Ce sont surtout les laminaires rugueuses reconnaissables à leur "tronc" chargé d'organismes. Ces algues augmentent beaucoup la richesse des zones qu'elles occupent en multipliant par 5 à 10 les surfaces de fixation pour faune et flore, et en offrant les anfractuosités de leurs crampons (ce fut le thème 89).
Elles vivent plusieurs années: une mince rondelle découpée dans le tronc montre des anneaux concentriques (et c'est à qui fera la plus belle tranche: la plus fine! !!) . 7 à 8 anneaux = 7 à 8 ans pour les plus gros pieds aux Glénan. Jusqu'à 13 ans en Bretagne nord, 15 en Norvège. Mais elles renouvellent leur frondaison chaque année, la production annuelle étant égale au poids des frondes à leur développement maximal (Il faut v ajouter la part de production du tronc égale à son poids divisé par son âge).
Arrachées par les déferlantes dans les premiers mètres, elles sont remplacées tout en haut par les laminaires flexibles puis par les laminaires bulbeuses (ou Saccorhizes), ces dernières, annuelles, opportunistes, colonisent la moindre zone dénudée. L'ensemble de la forêt de laminaires, par le renouvellement de tout ou partie de ses éléments, est une source majeure de nourriture (Jusqu’à 20 Kg en poids frais de biomasse/m², entre 0 et 2 m, mais 8 kg en valeur moyenne, et une production totale, avec les petites espèces, de l'ordre du double.), de production comparable à celle de nos meilleures forêts, nos meilleurs prairies, nos meilleurs cultures.
Les mangeurs d'algues
Que devient cette nourriture? Qui la consomme et sous quelle forme? C'est le second thème abordé (stage 86) avec un essai de bilan des quantités de mangeurs et de mangés pour le massif de Laon Egen Hir (Voir Pen Ar Bed, 1987 n° 124 "Guide du plongeur naturaliste"). Là, il a fallu se creuser le cervelle pour transformer les pourcentages de recouvrement et les nombres au m2 en litres, puis en kg/m2... Merci aussi à nos amis moniteurs pour le plan sous-marin de ce massif si complexe, qu'ils connaissent comme leur poche ! A notre surprise, une très petite quantité d'algues est consommée sur place, directement par les herbivores (Patelles, ormeaux et oursins). La plus grande part est arrachée par les tempêtes, échouée et broyée au rivage et ainsi réduite en fine farine, consommée par les filtreurs : Moules surtout, puis éponges, bryozoaires, balanes et comatules. La production algale est supérieure à la consommation totale des filtreurs fixés. Il va sans dire que cette farine d'algues est distribuée par le jeu des courants sur une large zone et peut être utilisée loin de sa source de production, notamment par les coquillages et les vers des fonds de sable et de vase, qui eux nourrissent les poissons. C'est pour cela que l'on a en Bretagne deux fois plus de poissons (et de pêcheurs ! ) à l'hectare, que sur la côte sableuse des Landes.
Une explosion de vie
Mais que la vie est dure pour ces pauvres moules, guettées par des hordes d'étoiles de mer affamées, qui les attendent au pied des moulières. Celles-ci sont luxuriantes dans les sites très battus de l'ouest et du sud, associées en zone découverte, à des îlots de pouces-pieds, et plus bas à une floraison d'anémones d'espèces variées. Avec une belle quantité d'étoiles (Astérias et Marthasterias), l'on peut penser que, s'il reste encore des moules, c'est qu'elles sont protégées par cette barrière d'anémones sur lesquels les étoiles de mer se piquent les pieds ! En sont-elles réduites à attendre la chute d’une grappe de grosses moules (qui atteignent 10 cm pièce) alourdies e tas d'organismes ! Les moules ont encore une alliée, la grande étoile à 7 bras (Luida ciliaris) qui dévore les deux espèces d'étoiles précédentes, tout en préférant Astérias.
Devinez ce que j'ai dans l'estomac ? Les "Bios" ne s'ennuient pas au fond : sonder les estomacs des étoiles, poser délicatement une étoile sur des anémones, mettre face à face les deux terribles ennemis Asterias et Luidia. Non ! Ne pas gober au passage cette belle coquille Saint Jacques !
Dans ces sites très battus, aux eaux claires, où la plus grande vague annuelle est haute de 10 mètres, les laminaires s'étendent jusqu'à 26 m et les sables propres n'apparaissent que vers 20 m. Ici dominent les animaux-fleurs carnivores: gazons d'hydraires en plumes, plages multicolores d'anémone-perle, gros bouquets d'alcyon jaune, parterre de marguerites, d'anémones-dahlia... mais aussi quelques filtreurs adaptés au choc des vagues comme flustres, éponges calcaires, fesse d'éléphant (c'est une éponge !). La physionomie des parois est largement contrôlée par l'oursin globuleux violet pâle ou vert pâle, qui, omnivore, les racle à la façon d'un bulldozer.
Nous ne résisterons pas à l'attrait de la profondeur, où nous attendent, dans les sites de l'ouest, sinon une réelle variété Iles milieux les plus riches et les plus diversifiés étant entre 0 et 15 m) du moins un paysage grandiose de tombants, ou l'obscurité croissante, le sifflement du détendeur, contribuent à l'étrangeté des ces fonds. Dès les dernières laminaires nous attendent des formes nouvelles : éponges ramifiées, en cornet, alcyon rouge, alcyon transparent, tapis de Plumes d'or, gorgones, roses de mer. Dans cette lumière crépusculaire, de rares algues sont encore présentes, avant de disparaître tout à fait à 60 m (La Jument, au sud des Glénan... c'est le grand frisson ! ) pour faire place aux premières touffes de (Dendrophyllia), prémices du monde sans soleil.
La disparition du maërl
Revenons vite au monde plus hospitalier, vivant et coloré des 15 premiers mètres. Mais le temps se gâte "pas question d'aller au sud, je vous propose le nord, soit le Run, le Gluet ou le Huic" nous dit Roger Weigèle, le directeur du centre de plongée. Chic, on va aller compter les oursins et en ramener quelques uns pour les goûter ! Ces sites surplombent un fond de maërl. C'est l'habitat de prédilection de l'oursin émoussé violet foncé ou blanc, qui y effectue tout son cycle.
D'importantes populations se rassemblent au pied des roches du Gluet et de Pen a Men, pouvant grimper sur les parois par beau temps, jusqu'en zone des marées. Les fortes densités (7 par m² en moyenne) de cet animal herbivore dénudent la roche de sa flore et limitent l’extension des laminaires. On le trouve aussi, sur les petits fonds de sable coquiller, où il se "colle sur le dos" des débris de coquilles pour se protéger de la lumière. Cet oursin est comestible (grimaces de certains...) et il est même exploité depuis environ 5 ans dans le quartier de Concarneau. Il remplace avantageusement par sa taille le petit oursin comestible traditionnel (Paracentrotus) devenu rare aux abords de Concarneau depuis l'hiver 1963. Quelques sites "reliques" subsistent encore, sur les platiers sud de l'île du loc'h, que nous allons visiter religieusement à chaque stage, mais qui ne grandissent pas bien vite... et dans certains couloirs au large, connus des seuls initiés !
Le maërl est une des autres richesses des îles, au sens biologique du terme, car le micromilieu qu'il constitue, recèle une faunule abondante et variée, sert de nurserie à de nombreuses espèces, dont certaines ne sont que trop exploitées, comme la palourde rose des Glénan. Ces bancs, qui ont commencé a se constituer , pense-t-on, vers l'époque gallo-romaine, ont 7 à 10 m d'épaisseur, mais seuls les quelques centimètres supérieurs, recevant la lumière, sont vivants. De plus, ces algues, de croissance très lente, ne se reproduisent que tous les 5 - 6 ans (Voir Pen Ar Bed 1970, n° 63, J. Cabioc'h). Richesse plus matérielle pour ceux qui l'exploitent, et ce de manière si intensive qu'outre le déséquilibre des sédiments qui se traduit déjà par un recul de la dune nord de Saint Nicolas. "Ce banc est pratiquement mort aujourd'hui et le restera tant qu'on l'exploitera. Il est cependant probable que si l'on interrompait durablement toute extraction, la couverture de maërl vivant pourrait se reconstituer à partir des quelques individus vivants, restant dans des endroits inaccessibles à la drague". Le banc de maërl mort est lui-même bien entamé, les estimations lui donnant, au rythme actuel d'extraction (109000 m3 en 1990), une durée de 60 ans au mieux, de 11 ans au pire (Communication orale J-P Pinot 1988).
Une découverte: Polymastia Gleneni
Mais c'est maintenant la tempête ! Irons-nous plonger ? Dans les duvets ? "Pas question, dit Jeff, derrière Penfret il y a un joli petit coin à l'abri". Les sites à l'est de Penfret, proches d'une avancée de la Grande Vasière, ont une eau nettement plus trouble, des champs d'algues moins profonds. L'ambiance y est différente, plus terne, un dépôt fin recouvre la roche. Nous y trouvons dans les hauts niveaux l'algue brune en cornet (Padina), des buissons de cystoseires, puis le champ de laminaires où dominent la laminaire jaune à tronc lisse et la saccorhize. Ah, voilà un parterre d'anémone à beignet (Anernona viridis)! N'oublions pas d'en rapporter à Jacqueline pour la tarte aux anémones! La pointe de Pen a Men, privilégiée par un courant assez fort, s'enrichit d'espèces profondes qui "remontent" grâce aux houles plus réduites (vague annuelle de 3 m). C'est là que Gilles découvre le 2ème spécimen de la Polvmastia des Glénan (Polyrnastia gleneni), nouvelle éponge découverte en 1965 par Annie Castric... Cris de joie, congratulations, apéro général.
Rendez-vous dans la Chambre
Il nous reste à "patouiller" dans la Chambre pour voir le milieu le plus abrité de l'archipel, domaine de l'herbier de zostères, homologue de l'herbier de posidonies méditerranéen. C'est encore un milieu bien riche, par les organismes vivant sur les feuilles, entre les feuilles (Syngnathes, hippocampes, seiches, ale vins, juvéniles), au ras du fond : lièvres de mer, crevettes, pagures, crabes verts, ou enfouis dans le sable. Il est également productif par ses feuilles qui se reproduisent tous les deux mois (A Roscoff, la production annuelle nette atteint 10 kg de poids frais par m²). Puis l'herbier se clairsème avec une profondeur croissante et le fond de sable apparaît alors comme un jardin tranquille, avec çà et là sur les galets et les coquilles, des touffes de laitue de mer, de laminaire saccharine, les longs lacets de chorda. Le fond s'anime de nombreux poissons : gobies, callionymes, et avec un peu de chance nous pourrons jouer avec une sole ou une plie.
L'invasion japonaise
Après la découverte lors du stage 84 du premier pied de sargasse japonaise, elles se dressent désormais aujourd'hui en impressionnants chandeliers. Originaire des côtes NE de l'URSS et du Japon, elle a été introduite accidentellement avec les importations d’huîtres japonaises, et en l'espace de 15 ans a envahi l'ensemble des côtes européennes. Elle forme en certains endroits (comme entre Penfret et Guiautec) des champs considérables, concurrençant ainsi l'herbier. L'algue se fixe sur un galet, et, par son développement sur plusieurs mètres, fait écran à la lumière pour les zostères sous-jacentes. Cette concurrence qui s'ajoute aux dégradations causées par d'innombrables chaînes d'ancre, d'innombrables pêcheurs à pied qui grattent et qui regrattent à chaque grande marée fait peser une grave menace sur l'herbier. Encore un sujet d'étude ... Thème du prochain stage ? Qui sait ? Mais cherchons aussi une bonne recette pour accommoder la sargasse !
Nous parlons beaucoup de cuisine à ces stages "bios". Pas question cependant de remonter la moindre espèce noble ! Ethique du plongeur et ... il n'y en aurait pas pour tout le monde!!! Plaisir plutôt de goûter des saveurs nouvelles, des recettes inédites (bravo Jacqueline) mais aussi ... de rétablir des équilibres écologiques en ouvrant la consommation d'espèces jusque là négligées qui prolifèrent comme la mauvaise herbe (crabes verts dans la soupe!) au détriment des espèces nobles.
Particularité des Glénan
A la question : Qu'y a-t-il de particulier aux Glénan? Espèce? Milieu? Nous répondons: peu de tout çà pour le domaine marin. Signalons tout de même la découverte d' espèces nouvelles: l'éponge Polymastia gleneni et l'ascidie didemnide (Lissocliurn weigelei), retrouvées par la suite sur le continent. Les Glénan ne constituent pas une limite biogéographique comme le sont la pointe de Penmarc'h ou la Cornouaille anglaise. La faune comporte environ 8 % d'éléments méridionaux, par exemple la grande ophiure-serpent (Ophioderrna longicauda). Par contre nous avons vainement recherché deux espèces méditerranéennes présentes dans la baie de Morlaix: la belle étoile de feu rouge vif (Echinester sepositus) et le madrépore-chrysanthème (Leptop sarnrnia)... Encore une énigme ?
Dans ces eaux claires océaniques, les filtreurs sont certes moins abondants en nombre et en taille qu'en certains points du continent, mais ils sont cependant bien diversifié (Eponges: 106 espèces; Hvdraires: 82; Bryozoaires: 109; Anthozoaires: 38; Ascidies: SO; Algues vertes: 27; Algues brunes: 57; Algues rouges: 132. (inventaires des îles Glénan, établis au cours de 4 thèses de 3éme cycle, 1970-1971-1972)). Par contre les carnivores sont florissants et la flore algale profite au mieux de cette luminosité exceptionnelle.
Un monde à protéger
L'originalité de l'archipel réside plus dans la grande variété de sites et de milieux réunis dans un espace restreint que dans une flore ou une faune particulière. Roger Weigèle l'a bien compris lorsqu'il v installa, pour notre chance, voici 30 ans, le Centre International de Plongée.
Mais que de changements depuis lors !
Les grottes de Laon Egen Hir n'abritent plus ces grosses vieilles "wagons", les homards et les ormeaux sont près de 10 fois plus rares. Il y a 30 ans on trouvait des homards et des ormeaux en zone de marées ! . Cet archipel, soustrait par son insularité des pollutions urbaines, domestiques et industrielles, est néanmoins menacé d'un autre danger: la surexploitation (Drafage du maërl, pêche à pied par des lots de touristes, surpêche de toute sorte). Nous devons tous nous rendre compte que les ressources de ce petit archipel ne sont pas inépuisables, que tous nous avons là un capital à sauvegarder. Un des remèdes pourrait être la mise en réserve d'un secteur qui servirait de "foyer d'essaimage" pour la recolonisation du voisinage.
Autre remède plus général "territorialiser" davantage le droit d'exploiter les fonds à chaque quartier maritime et secteur, d'autant plus qu'ils sont plus côtiers.
Dans son propre jardin chacun est tellement plus économe !
Annie CASTRIC & Claude CHASSE
Le Maërl des Glénan
On désigne sous ce nom breton de petits arbustes rigides, algues rouges imprégnées de calcaire, roses lorsqu'elles sont vivantes, blanchâtres lorsqu'elles sont mortes. Ces algues vivent libres sur le fond sédimentaire et s'accumulent en bancs.
La première étude sérieuse sur les possibilités d'exploitation du maërl date de 1821 (Archives du Finistère). Avant reçu quelques échantillons de ces madrépores, Beautemps-Beaupré, le célèbre cartographe qui dressa la carte des côtes bretonnes de 1818, suggère que l'on pourrait, s'ils sont trop gros, les casser ou les calciner, avant de les mélanger à la terre afin de servir d'engrais.
Pour délimiter les zones exploitables, il propose la solution suivante (sic) :
"... Il faut s'adresser à Henry Monfort, pêcheur de l'Ile Tudy qui a servi plusieurs années sous mes ordres, comme le marin le plus capable de réussir dans ces recherches... Il est probable qu'il connaît parfaitement la nature des fonds... et mieux que moi aussi, les points de ces côtes où les madrépores se trouvent en grande quantité. Je ne serais pas étonné même qu'il fut en état de vous donner sur cette production marine des renseignements que vous attendriez d'hommes plus instruits que lui. Il suffirait de dire à Monfort que j'ai trouvé des madrépores partout où le fond est argileux et dur et que c'est sur les fonds de la nature de celui du grand mouillage des îles de Glénan que j'en ai trouvé le plus, pour qu'il sache non seulement où aller draguer mais aussi pour lui faire découvrir les endroits où les courants peuvent amasser les madrépores qu'ils entraînent de dessus les fonds où ils croissent. "
Beautemps-Beaupré joint à son rapport un document exceptionnel par la qualité de sa précision: une magnifique carte du nord des îles Glénan avec les indications de profondeur et la zone d'extension du maërl.
- By: Jackez CORNOU
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
La pêche "au Gras" a ses adeptes mais beaucoup s'imaginent qu'il s'agit là d'un luxe inaccessible réservé à une élite capable e se payer un voyage dans les mers chaudes.
Que n'a t'on vu dans moults magazines ces acteurs ou chanteurs célèbres fendre la mer à bord de puissantes vedettes du côté des Seychelles et se battre gaule en main contre de gros poissons.
Combien de pêcheurs ou d'amateurs de sensations fortes savent qu'à deux heures de route de Concarneau ce sport est parfaitement praticable en Bretagne. Une rencontre avec le promoteur de celle activité originale va nous apprendre ce qu'offre ce nouveau terrain d'aventure dans les eaux des Glénan.
Loulou La Bigorne
Un homme du pays, Louis Moalic dit Loulou la Bigorne est devenu depuis plusieurs années l'organisateur, numéro un de la pêche au gros : une sorte de safari de la mer qu'il pratiqua tout d'abord pour son plaisir mais qui constitue désormais son activité principale à l'intention des amateurs de fortes sensations mariant la pêche et le sport.
Massif, barbu et hirsute, le mégot coincé au bord des lèvres, le look du capitaine de "La Bigorne II" colle parfaitement au stéréotype plus vrai que nature, du coureur des mers tel qu'on se l'imagine sur les bords de la Seine.
Loulou, le verbe direct et convaincant, me vante les qualités de sa vedette amarrée au ponton C de Port La Forêt: 15 mètres sur 4, deux moteurs de 135 chevaux, elle est équipée en matière d'électronique du tout dernier must en vigueur: sondeur, radar, toran et vigile pour faire le point, V.H.F etc... En prime, une caméra Vidéo, un magnétoscope et une télé pour filmer et visionner les invités en action et les prises. "Les souvenirs d'une sortie c'est important pour les clients qui emportent avec eux la cassette consignant leurs exploits d'un jour ainsi que les poissons pêchés" souligne Loulou.
Le recrutement de ceux-ci est très large, tant concernant l'échelle sociale que la nationalité : des Français mais aussi des Belges, des Hollandais, des Allemands, des Suisses, parfois des Anglais mais plus rarement.
La saison couvre en général la période entre Pâques et le mois de septembre mais le bateau est opérationnel toute tannée si nécessaire. L'équipage se compose en général de 3 personnes. "La Bigorne II" diversifie parfois ses activités : quelques remorquages et de temps en temps une échappée comme celle effectuée en Angleterre avec des journalistes pour le départ d'une transat, mais l'essentiel de son occupation c'est la pêche "au gros".
Une journée en mer
Parlons maintenant d'une sortie type. Loulou me la décrit : "Nous pouvons embarquer jusqu'à 12 passagers. Prix de la journée : 500,00 Fr. par personne, gratuité pour les enfants, les repas sont compris ainsi que l'accès au bar, ouvert en permanence - indispensable pour l'ambiance et la convivialité –
Départ à 8 heures du matin de Port La. Forêt, retour le soir à 20 heures. Il nous faut une heure de route pour gagner les Glénan puis une autre pour atteindre un lieu de pêche sur une base connue, généralement autour d'une épave. Nous mouillons par 80 à 100 mètres de fond et jetons les lignés à l'eau. Du gros calibre comme on peut se l'imaginer avec pour appâts des petits maquereaux pêchés à la traîne en cours de route. L'attente n'est guère bien longue et c'est bien le diable si quelques congres, juliennes ou gros lieus ne viennent assez vite titiller les hameçons.
"Rodéo-requin"
Le but principal étant surtout la pêche aux requins, c'est lorsque l'un d'entre eux s'accroche à une ligne que commence le rodéo. Sanglés sur les deux fauteuils de l'arrière, les candidats à la manœuvre doivent alors faire preuve de savoir faire et d'énergie pour fèrer les squales dont la force est phénoménale. Dès qu'ils se sentent pris ils piquent au fond et remontent, se tortillent, sautent et partent à grande vitesse dans tous les sens entraînant le bateau dans une course folle. Le pire c'est quand plusieurs mordent en même temps : "J'en ai vu jusque trois à la fois. Alors çà se complique, surtout que les lignes peuvent se dérouler chacune sur 200 mètres. Bref une belle bagarre et bon nombre d'émotions pour ramener à bord des bestioles faisant de un à deux mètres et pesant jusqu'à 70 kilos pièce. L'habileté de l'homme à la barre est alors déterminante pour contrôler la vitesse et la direction du bateau".
Le requin le plus pêché autour des Glénan est le "peau bleu" pouvant atteindre 5 mètres mais on capture aussi des "taupes" et des "renards". Quand au "pèlerin" pouvant dépasser ces mensurations il ne mort pas à l'hameçon pour la bonne et simple raison qu'il est végétarien et ne se nourrit uniquement que de plancton : un pacifique qui dénote singulièrement dans la catégorie des squales.
Une sortie de pêche à bord du "Bigorne II" est toujours fructueuse et l'émotion garantie. Pendant l'été 89 le record de prises a été en une journée de 18 requins et le bilan saisonnier s'est chiffré à 240 exemplaires. Qui dit mieux au vu d'un tel palmarès.
Voyage d'études
Loulou et quelques copains se paient chaque année ce qu'ils appellent "un voyage d'études" dans les mers chaudes d'Afrique pour tâter un peu de la concurrence et s'en reviennent chaque fois peu enthousiastes en raison de la modestie des résultats obtenus. "Nous n'avons rien à leur envier" déclare avec condescendance le concamois ... et puis "Pourquoi aller si loin quand nous disposons ici d'un vivier naturel de premier plan dans un environnement aussi tonique et aussi beau".
Jakez CORNOU
- By: Max JONIN
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
On s'est surtout extasié aux Glénan sur ses paysages et sa faune sous-marine, mais la flore terrestre présente aussi des particularités dont un certain narcisse, surtout connu des spécialistes. Un spécimen unique au monde qui aurait bien pu disparaître sans la perspicacité des botanistes. Désormais ils respirent, la plante est officiellement protégée et elle prolifère. Max Jonin, responsable de la S.E.P.N.B. nous en dit plus sur le sujet.
Des narcisses par milliers
Dès le début du 19e siècle, l'Archipel des Glénan attira l'attention des botanistes après la découverte en 1803 par Bonnemaison d'un narcisse nouveau qui, bien que proche d'une plante portugaise, n'existe au monde que dans l'Archipel, mais la majorité du peuplement se situait sur l'île Saint Nicolas. Mr Chevalier indiquait en 1924 que, sur une superficie de 3 à 4 hectares:" Les fleurs blanches du Narcisse émergent par centaine de mille... "
Au cours du 20e siècle et, notamment avec le développement du tourisme lié aux facilités de débarquement sur Saint Nicolas, le narcisse devait connaître de graves menaces: . l'arrachage des bulbes et la cueillette sauvage, par brassées, des fleurs de cette plante qui ne se reproduit pratiquement que de graines, ont mis en cause sa survie.
Etouffement du Narcisse
A l'initiative de la S.E.P.N.B, des mesures je protection efficaces furent prises en 1974 avec la mise en réserve naturelle d'une partie de l'île Saint Nicolas. Une gestion administrative a alors été préférée à une gestion scientifique et la réserve fut confiée aux soins de la commune de Fouesnant. La pose de clôtures dissuasives allait permettre dans un premier temps de protéger la population de narcisse, mais aura entraîné ensuite, en soustrayant le milieu au piétinement, un embroussaillement du site incompatible avec le maintien et le développement de cette population. Une épaisse broussaille de ronces et de fougères aigles étouffaient la station de narcisses et dès 1980 la situation est devenue préoccupante.
En 1984, sans attendre l'aboutissement des lentes démarches officielles devant permettre la mise en œuvre d'un suivi et d'une gestion scientifique, la SEPNB et le Conservatoire Botanique de Brest décidaient d'intervenir sur le site par des mesures concrètes de gestion sur carrés expérimentaux retrouvant les techniques simples de débroussaille- ment et d'étrepage. La nécessité d'un débroussaillement général de la réserve s'imposait.
Le sauvetage
Plusieurs chantiers furent organisés en 1985 et 1986, tandis que, lors de la floraison, en avril-mai, le nombre de pieds fleuris était systématiquement compté. De moins de 3 000 estimés en 1984, ce nombre est passé à 6514 en 1985 ! (plus de 100%). Pour maintenir l'entretien du site, un troupeau de moutons fut introduit en septembre 1986 et laissé jusqu'au mois de février suivant, date du début de la pousse des premières feuilles du narcisse. Le mouton d'Ouessant, race rustique, parfaitement adaptée, a été bien sûr choisi. Son seul inconvénient est sa vulnérabilité aux attaques des chiens que des propriétaires négligents laissent divaguer sur l'île. Débroussaillement et pâturage ont rapidement permis à la population de narcisse de se développer et au printemps 1989, c'est sans doute quelques 25 000 pieds fleuris que comptait la réserve naturelle. Sauvetage réussi ! ("Le narcisse des Glénan, de la protection à la gestion " F Bioret et D. Malengreau in Pen Ar Bed n°132, vol. 20, 1989).
Il reste cependant du travail. Une clôture entourant une réserve naturelle ne présente pas une image bien séduisante. Nous espérons, à terme, une restauration d'une véritable pelouse et la possibilité d'un pâturage extensif d'entretien étendu à l'ensemble de Saint Nicolas, sans grillage. Le milieu naturel et le paysage y trouveraient leur compte, mais nous ne sommes pas encore là. Signalons enfin que le narcisse des Glénan se trouve également sur les îlots de Brunec, le Veau et la Tombe près de Drennec. Cette plan- te est bien sûr protégée par la loi. Sa cueillette et le prélèvement des bulbes sont strictement interdits par la loi.
- By: Émile SOUVESTRE
- In: Cap Caval
Cap Caval N° spécial Glénan
L'archipel des Glénan n'a pas échappé au légendaire et autour de ces lieux où bien des drames de la mer se nouèrent, l'imagination des hommes transforma quelque peu les faits qui se colorèrent et se mythifièrent au fil des âges.
Le goût bien connu des Bretons pour le merveilleux en fit le reste. Autour de l'étang glauque et inquiétant de l'île du Loc'h, dont les brumes matinales laissent échapper des senteurs particulières, se bâtit un récit que rapporta Emile Souvestre dans "Le Foyer Breton" au siècle dernier sous le nom de "La Groac'h de l'île du Loc'h La Groac'h, c'est le nom de la sorcière en breton, dont les pouvoirs généralement maléfiques permettent aux hommes de se surpasser et d'accéder à la richesse pour quiconque accepte de se plier à ses désirs. Pouvoirs généralement obtenus en compensation de la perte de son âme ou de sa liberté.
Le héros de cette légende saura-t-il succomber au charme de la belle ensorceleuse ?
Houarn et Bellah
Dans les temps anciens, alors que les miracles étaient aussi communs dans la Basse-Bretagne que le sont aujourd'hui les baptêmes et les enterrements, il y avait à Lanillis un jeune homme qui s'appelait Houarn Pogamm et une jeune fille nommée Bellah Postik. Tous deux étaient cousins à la mode du pays, et leurs mères, quand ils étaient tout petits, les avaient élevés dans le même berceau, comme on le fait des enfants que l'on destine à être un jour maris et femmes, avec la permission de Dieu... Ils auraient pu se trouver heureux; mais les amoureux ressemblent à la mer qui se plaint toujours. "Si nous avions seulement de quoi acheter une petite vache et un pourceau maigre, je louerais à notre maître un morceau de terre, le curé nous marierait, et nous irions demeurer ensemble" disait Houarn." J'ai peur qu'il ne faille attendre longtemps" surenchérissait-il. "Bien longtemps" répliqua la jeune fille, "car je n'ai pu réussir à entendre le coucou chanter".
Ces plaintes recommencèrent tous les jours, jusqu'à ce que Houarn vint trouver un matin Bellah et lui annonça qu'il voulait partir pour chercher fortune.
La jeune fille fut bien affligée à cette nouvelle, et fit tout ce qu'elle put pour le retenir. Mais Houarn qui était un garçon résolu, ne voulut rien écouter. Avant le départ, Bellah partagea ce qu'il y avait de meilleur dans l'héritage de ses parents. "Ces trois reliques ne sont jamais sorties de la famille. Voici d'abord la clochette de saint Kolédok; elle a un son qui se fait entendre, quelque soit la distance, et qui avertit nos amis des périls que nous courons. Le couteau a appartenu à Saint Corentin, et tout ce qu'il touche échappe aux enchantements des magiciens et du démon. Enfin, le bâton est celui que portait saint Vouga, il vous conduit où vous devez aller. Je vous donne le couteau pour vous défendre des maléfices, la clochette pour me faire connaître vos dangers, et je garde le bâton pour vous rejoindre si vous avez besoin de moi". Houarn remercia sa promise, il pleura un peu avec elle, comme il faut toujours quand on se sépare, puis il s'en alla.
A la recherche de la fortune
Il arriva à Pont-Aven, qui est une jolie ville bâtie sur une rivière bordée de peupliers. Là, comme il était assis à la porte de l'auberge, il entendit deux saulniers qui causaient en chargeant leurs mule et parlaient de la Groac'h de l'île du Loc'h. Houarn demanda ce que c'était ; il lui répondirent que l'on donnait ce nom à une sorcière qui habitait le lac de la plus grande île des Glénan, et que l'on disait aussi riche, à elle seule, que tous les rois réunis. Bien des gens étaient allés déjà dans l'île pour s'emparer de ses trésors, mais aucun n'était revenu.
Houarn eut, tout de suite, la pensée de s'y rendre à son tour afin de tenter l'aventure. Les muletiers firent leurs efforts pour l'en détourner... Houarn se rendit donc au bord de la mer, chez un batelier, qui le conduisit à l'île du Loc'h.
Il trouva sans peine l'étang placé au milieu de cette île et comme il en faisait le tour, il aperçut vers une de ses extrémités, à l'ombre d'une touffe de genêts, un canot couleur de mer qui flottait sur les eaux dormantes. Ce canot avait la forme d'un cygne endormi, la tête sous son aile. Houarn qui n'avait jamais rien vu de pareil, s'approcha avec curiosité et entra dans la barque pour mieux la voir; mais à peine eut-il mis le pied, que le cygne eut l'air de se réveiller; sa tête sortit de dessous de ses plumes, ses larges pattes s'étendirent sur l'eau, et il s'éloigna brusquement du rivage. Au milieu de l'étang l'oiseau enfonça son bec dans les eaux et plongea, en l'entraînant avec lui jusqu'à la demeure de la Groac'h.
Un palais magnifique
C'était un palais de coquillage qui surpassait tout ce que l'on pouvait imaginer. On y arrivait par un escalier de cristal fait de telle manière que, lorsqu'on y posait le pied, chaque marche chantait comme un oiseau des bois !
La Groac'h était couchée dans la première salle, sur un lit d'or. Elle était habillée d'une toile vert de mer ; ses cheveux noirs, entremêlés de corail, tombaient jusqu'à ses pieds, et son visage blanc et rose ressemblait, pour l'éclat, à l'intérieur d'un coquillage. Houarn s'arrêta, tout ébloui de voir une créature si belle ; mais la Groac'h se leva, en soudant, et s'avança vers lui.
Sa démarche était si souple, qu'on eût dit un des flots blancs qui courent sur la mer. "Soyez le bienvenu" en lui faisant signe d'entrer, "il y a toujours place ici pour les étrangers et les beaux garçons". Le jeune homme rassuré entra.
"Qui êtes-vous, d'où venez-vous et que cherchez-vous ?" ajouta la Groac'h. Houarn se présenta et elle le fit entrer dans une salle tapissée de perles, où elle lui servit de huit espèces de vins, dans huit gobelets d'argent sculptés. Houarn but d'abord des huit vins, puis il les trouva si bons, qu'il en rebut huit fois de chacun, et, à chaque coup, il trouvait la Groac'h plus belle.
Celle-ci l'encourageait en lui disant qu'il ne devait point avoir peur de la ruiner, puisque l'étang de l'île du Loc'h communiquait avec la mer, et que toutes les richesses qu'engloutissaient les naufrages y étaient apportées par un courant magique
"Sur mon salut" dit Houarn, que le vin avait rendu gai "je ne m'étonne plus si les gens de la côte parlent mal de vous ; les personnes si riches ont toujours des jaloux; quant à moi, je ne demanderais que la moitié de votre fortune". "Vous l'aurez si vous voulez" dit la sorcière. "Comment cela ?", demanda-t-il." Je suis veuve de mon mari, le korandon, et si vous me trouvez à votre gré, je deviendrai votre femme". Le Léonard fut tout saisi de ce qu'il entendait. Il répondit donc poliment qu'il avait joie et honneur à devenir son mari.
Préparation du festin
La Groac'h s'écria alors qu'elle voulait préparer sur le champ, le repas de la velladen. Elle dressa une table qu'elle couvrit de tout ce que le Léonard connaissait de meilleur, puis elle alla à un petit vivier qui était au fond du jardin, et elle se mit à appeler : "Eh, le procureur ! Eh, le meunier ! Eh le tailleur ! Eh, le chantre ! ". Et à chaque cri on voyait accourir un poisson qu'elle mettait dans un filet d'acier. Lorsque le filet fut rempli, elle passa dans une pièce voisine et jeta tous les poissons ensemble dans une poêle d'or. Mais il sembla à Houarn qu'au milieu des pétillements de la friture, de petites voix chuchotaient.
"Qui est-ce donc qui chuchote sous la poêle d'or, Groac'h?" . "C'est le bois qui pétille" dit-elle en attisant le feu. Un instant après, les petites voix recommencèrent à murmurer. Mais ce qui se passait lui donnait à réfléchir, et, comme il commençait à avoir peur, il sentit poindre les remords. "Jésus-Marie !" se dit-il, "est-ce bien possible que j'ai oublié si vite Bellah pour une Groac'h, qui doit être fille du démon ?"
Pendant qu'il se parlait ainsi, la sorcière avait apporté la friture, et elle le pressa de dîner, en lui disant qu'elle allait chercher pour lui douze nouvelles espèces de vins.
Houarn tira son couteau, tout en soupirant, et voulut commencer à manger; mais à peine la lame qui détruisait les enchantements eut-elle touché au plat d'or, que tous les poissons se redressèrent et redevinrent de petits hommes, portant chacun le costume de leur pays. Tous criaient à la fois, en nageant dans la friture "Houarn, sauve-nous, si tu veux toi-même être sauvé ! Nous sommes des chrétiens comme toi, venus à l'île du loc'h pour chercher fortune. Nous avons consenti à épouser la Groac'h, et le lendemain du mariage, elle a fait de nous ce qu'elle avait fait de nos prédécesseurs qui sont dans le grand vivier" .
Houarn, effrayé, courut vers la porte, ne songeant qu'à s'échapper avant le retour de la Groac'h; mais celle-ci qui venait d'entrer avait tout entendu. Elle jeta son filet d'acier sur le Léonard qui se transforma aussitôt en grenouille, et alla le porter dans le vivier, où se trouvaient déjà ses autres maris.
Prisonnier de la sorcière
Dans ce moment, la clochette qu'Houarn portait à son cou tinta d'elle-même, et Bellah l'entendit à Lanillis. Ce fut pour elle comme un coup dans le cœur : "Houarn est en danger" et sans attendre autre chose, elle courut mettre ses habits du dimanche et sortit de la ferme avec son bâton magique. Arrivée au carrefour, elle planta celui-ci dans la terre en murmurant :
"De saint Vouga rappelle-toi !
Bâton de pommier, conduis-moi Sur le sol, dans les airs, sur l'eau Partout où passer il me faut ! "
Le bâton se changea aussitôt en un bidet rouge de saint Thégonnec, peigné, sellé, bridé, avec un ruban sur chaque oreille et un plumet bleu au front.
Bellah le monta sans balancer. Il partit d'abord au pas, puis au trot, fuis au galop, et il allait si vite, que les fossés, les arbres, les maisons, les clochers passaient devant les yeux de la jeune fille comme les bras d'un dévidoir. Arrivés enfin dans l'Arhez, au pied du rocher que l'on appelle le saut du cerf, le bidet s'immobilisa, car jamais cheval ni jument n'avait gravi ce rocher. Bellah recommença à dire : "De saint Vouga rappelle-toi! Bidet de Léon, conduis-moi. Sur le sol, dans les airs, sur l'eau Partout où passer il me faut "
Dès qu'elle eut achevé, des ailes sortirent des flancs de sa monture, qui devint un grand oiseau, et qui l’emporta au sommet du rocher. Ce sommet était occupé par un nid fait de terre de potier et garni de mousses desséchées sur lequel se tenait accroupi un petit korandon, tout noir et tout ridé, qui se mit à crier quand il vit Bellah.
Un gentilhomme séduisant
"Mais que fais-tu dans ce nid ?" demanda-t-elle." Je couve six oeufs de pierre, et j'aurai ma liberté que lorsqu'ils seront éclos. C'est la Groac'h qui m'a envoyé ici, je suis Jeannik son mari". "Et comment pourrais-je te délivrer ?" dit-elle. "En délivrant Houarn, qui est au pouvoir de la Groac'h, mais pour cela, il faut que tu te présentes à elle comme un jeune homme; puis il faut lui enlever son filet d'acier qui est à sa ceinture et l'y enfermer jusqu'au jugement". Joignant le geste à la parole, le korandon arracha quatre de ses cheveux roux et les souffla au vent en marmonnant tout bas quelque chose. Aussitôt Bellah se trouva parée d'un habit de gentilhomme en velours vert doublé de satin blanc.
Elle le remercia, puis son grand oiseau la transporta, tout 'une volée, à l'île du Loc'h. Là, elle lui ordonna de redevenir bâton de pommier, et entra dans la barque en forme de cygne qui la conduisit au palais de la Groac'h.
A sa vue la sorcière parut ravie : " Par Satan mon cousin, voici le plus beau garçon qui soit jamais venu me voir, et je crois que je l'aimerai jusqu'à trois fois trois jours "
Elle lui servit à goûter, et la jeune fille trouva sur la table le couteau de saint Corentin, qui avait été laissé par Houarn. Elle le prit pour s'en servir à l'occasion, puis elle suivit la Groac'h dans son jardin. Elle s'émerveilla de toutes ces splendeurs et surtout du vivier où nageaient les poissons de mille couleurs. Elle s'assit au bord de la pièce d'eau pour mieux les regarder
La perte de la Groac'h
La Groac'h profita de son ravissement pour lui demander si elle ne serait pas bien aise de rester en sa compagnie. Bellah répondit qu'elle ne demanderait pas mieux. "Alors tu consentirais à m'épouser sur le champ ?". "Oui, à la condition que je pourrai pêcher un de ces beaux poissons avec le filet d'acier que vous avez à la ceinture".
La Groac'h qui ne soupçonnait rien, prit cela pour un caprice de jeune garçon ; elle donna le filet, et dit en souriant : "Voyons, beau pêcheur, ce que tu prendras ?" . "Je prendrai le diable !" cria Bellah, en jetant le filet ouvert sur la tête de la sorcière, qui se transforma aussitôt en hideuse reine des champignons.
Bellah ferma vivement le filet et courut le jeter dans un puits, sur lequel elle posa une pierre scellée du signe de la croix, afin qu'elle ne put se soulever qu'avec celle des tombeaux, au jour du jugement dernier.
La liberté
Elle revint ensuite bien vite vers le vivier; mais tous les poissons en étaient déjà sortis et avançaient à sa rencontre, comme une procession de moines bariolés, en criant de leurs petites voix enrouées : "Voici notre seigneur et maître, celui qui nous a délivrés du filet d'acier et de la poêle d'or". Mais comme elle allait toucher le premier poisson avec le couteau de saint Corentin, elle aperçut, tout près d'elle une grenouille qui portait au cou la clochette magique et sanglotait à genoux. "Est-ce toi Houarn ?" demanda-telle. "Oui, c'est moi" répondit le petit garçon engrenouillé. Bellah le toucha aussitôt de la lame qu'elle tenait, il reprit sa forme, et tous deux s'embrassèrent, en pleurant. Elle fit ensuite de même pour les poissons, qui redevinrent ce qu'ils avaient été. Comme elle achevait, on vit arriver le petit korandon du rocher du cerf, traîné dans son nid, comme dans un char, par six grosses mouches de chêne qui étaient écloses des six œufs de pierre. "Me voici, jolie fille !" cria-t-il à Bellah "et je viens vous remercier". Il conduisit ensuite les deux amants aux bahuts de la Groac'h, qui étaient remplis de pierres précieuses, en leur disant d'en prendre à volonté. Tous deux chargèrent leurs poches, leurs ceintures, leurs chapeaux et jusqu'à leurs braies larges du Léon; enfin, quand ils eurent pris tout ce qu'ils pouvaient porter, Bellah ordonna à son bâton de redevenir une voiture ailée assez grande pour les conduire à Lanillis avec tous ceux qu'elle avait délivrés. Là, les bans furent publiés, et Houarn l'épousa, comme il le désirait depuis longtemps. Ils achetèrent ensuite toutes les terres de la paroisse, et y établirent, comme fermiers, les gens qu'ils avaient emmenés de l'île du Loc'h.
Emile SOUVESTRE 1891
- By: Michel GUÉGUEN
- In: Cap Caval
L' article de Roger Weigele sur les Glénan me rappelle de très bons souvenirs sur les débuts du club de plongée de Quimper dans l'Archipel des Glénan, ce véritable paradis. (Complément reçu par mail ndlr)
Pour 1963, je dois rajouter quelques noms à la liste de Roger Weigele : Yves Marie Le Goaziou, Jacques Queinnec et moi-même, Michel GUEGUEN. Yves-Marie est un ancien plongeur démineur de la Marine, libraire à Quimper. C’est lui qui m’invita à un baptême de plongée aux Glénans avec mon ami J.Cl. Meurlet.