Cap Caval N° spécial Glénan
Annie Castric et Claude Chassé (chercheurs au C.N.R.S.), du laboratoire de biologie marine de Concarneau, nous présentent la richesse extraordinaire de la vie sous-marine dans l'Archipel, avec quelques découvertes originales ou typiques des Glénan.
C'est à partir de la thèse de 3e cycle "Distribution de la zone fixée infra-littorale sur les roches des Glénan" (1967) poursuivie en thèse d’état en 1974 que nos chercheurs ont entrepris cette vaste étude d'un monde qu'il faudra un jour protéger plus sérieusement.
Dès l'arrivée dans le lagon de la "Chambre" la limpidité de l'eau émerveille, et laisse entrevoir le fond de sable clair parsemé de taches sombres de varech, animé de formes fugitives. Vite, un masque, un tuba et des palmes pour voir de plus près ce monde fascinant qui s'étend à quelques mètres sous le bateau !
"Pas si vite ! Avez-vous pris votre planchette de relevé ?" Cette petite phrase, leitmotiv des stages "Bio" annonce déjà la couleur: Plonger oui; mais plonger utile en aidant les scientifiques à surveiller la bonne santé écologique de votre Archipel préféré.
Les premiers coups de palme de la "bio"
A l'écart des pollutions continentales, les Glénan constituent encore un milieu de référence, où les phénomènes naturels peuvent se dérouler, en théorie mais nous y reviendrons en dehors de l'influence de l'homme. De cet observatoire privilégié pour l'enseignement et la recherche, une "veille écologique" est conduite depuis ces 9 dernières années, avec les plongeurs amateurs du stage "Bio" du C.I.P. et de l'A.D.M.S. (L'ADMS, association pour la découverte du monde sous-marin, fait participerles plongeurs-amateurs aux recherches pour une meilleure connaissance de ce milieu. Siège: MafInaflum 29900 Concarneau). Au cours de ces stages, nous essayons tous ensemble de saisir les relations des organismes avec le milieu, et celle des organismes entre eux, telles que "Qui mange quoi ? Combien ?" (C'est çà l'écologie ! ) de façon à dresser le schéma de fonctionnement des fonds rocheux sous-marins avec le bilan des quantités des mangeurs et des mangés (Ceci c'est le but scientifique!)
L'aventure, pour 5 d'entre nous: Christine, Marie-Té, Panchika et les Annie a commencé à vrai dire, il v a 25 ans, et ce n'est pas sans émotion que me reviennent en mémoire ces temps héroïques: Pen a Men, 2 octobre 1964, 7 h du matin, à bord du "GOYEN", pour des mesures de lumière en continu. Après une bonne nuit, emmitouflées dans les duvets, un doux clapotis sous la banette, tout à coup on entend: "Annie, on coule! " et Panchika de se recroqueviller dans sa banette : "Bah, ce bateau a bien tenu 50 ans, il tiendra bien un jour de plus! ". On sauvera le bateau de justesse, mais il était grand temps !
Des mammouths aux Glénan
Au fil des thèmes abordés durant ces stages, nous allons découvrir la variété des sites de cet Archipel.
Mais d'abord un coup d’œil sur le passé, pour en comprendre les formes qui influent si fortement sur le peuplement des fonds. Le modelé du relief, tant terrestre que sous-marin, est lié à la nature de la roche, la granulite (variété de granit), altérée sur place sous le climat sénégalais de l'ère Tertiaire, puis déblayée au cours des allées et venues des mers du Tertiaire et du Quaternaire. Durant cette dernière période, la mer s'est retirée 4 fois au moins, durant les âges glaciaires, découvrant une plaine large de 100 kms parcourue de rennes et de mammouths, située jusqu'à 140 m plus bas qu'aujourd'hui, alors qu'aux périodes chaudes intercalées, les Glénan étaient à fleur d'eau comme maintenant, parfois même entièrement submergés. Les niveaux où la mer a séjourné plus longtemps ont donné de larges plates-formes, telles celle du Loc'h à 4-5 m, ou celle de Penfret à 13-15 m au dessus des hautes mers. La mer, en regagnant son niveau actuel, a déblayé les sables de la roche saine, les transportant et les déposant dans les lieux calmes, laissant des formes "en boules". Déstabilisées par le choc des vagues, celles-ci se sont éboulées en gigantesques chaos, formant la topographie que l'on observe actuellement sous l'eau.
Ces chaos de blocs ménagent de nombreux surplombs, couloirs, grottes, trous, failles, interstices, peuplés qui de leur vieille, qui de leur congre, de leur tourteau, étrille, galathée, ormeau, rangée de crevette-bouquet
Les algues
Le premier thème abordé premier maillon de la chaîne alimentaire est la production végétale. Les stagiaires de juin 81 se souviendront longtemps de la "manip laminaires", avec d'énormes sacs à patates remplis d'algues, déversées sur le pont du bateau devenu une vrai patinoire! Les mesures, les pesées, avec le roulis, dans le jus filant des laminaires... Ii s'agissait dé récolter tous les pieds dans 4 m2, à 10 profondeurs différentes!!!
Véritables forêts sous-marines où l'on évolue sous le dais des frondes, à la poursuite de quelque coquette, admirant au passage des parterres d'algues rouges. Les laminaires descendent en se clairsemant jusqu'à 26m, à l'ouest, où l'eau est la plus claire. Ce sont surtout les laminaires rugueuses reconnaissables à leur "tronc" chargé d'organismes. Ces algues augmentent beaucoup la richesse des zones qu'elles occupent en multipliant par 5 à 10 les surfaces de fixation pour faune et flore, et en offrant les anfractuosités de leurs crampons (ce fut le thème 89).
Elles vivent plusieurs années: une mince rondelle découpée dans le tronc montre des anneaux concentriques (et c'est à qui fera la plus belle tranche: la plus fine! !!) . 7 à 8 anneaux = 7 à 8 ans pour les plus gros pieds aux Glénan. Jusqu'à 13 ans en Bretagne nord, 15 en Norvège. Mais elles renouvellent leur frondaison chaque année, la production annuelle étant égale au poids des frondes à leur développement maximal (Il faut v ajouter la part de production du tronc égale à son poids divisé par son âge).
Arrachées par les déferlantes dans les premiers mètres, elles sont remplacées tout en haut par les laminaires flexibles puis par les laminaires bulbeuses (ou Saccorhizes), ces dernières, annuelles, opportunistes, colonisent la moindre zone dénudée. L'ensemble de la forêt de laminaires, par le renouvellement de tout ou partie de ses éléments, est une source majeure de nourriture (Jusqu’à 20 Kg en poids frais de biomasse/m², entre 0 et 2 m, mais 8 kg en valeur moyenne, et une production totale, avec les petites espèces, de l'ordre du double.), de production comparable à celle de nos meilleures forêts, nos meilleurs prairies, nos meilleurs cultures.
Les mangeurs d'algues
Que devient cette nourriture? Qui la consomme et sous quelle forme? C'est le second thème abordé (stage 86) avec un essai de bilan des quantités de mangeurs et de mangés pour le massif de Laon Egen Hir (Voir Pen Ar Bed, 1987 n° 124 "Guide du plongeur naturaliste"). Là, il a fallu se creuser le cervelle pour transformer les pourcentages de recouvrement et les nombres au m2 en litres, puis en kg/m2... Merci aussi à nos amis moniteurs pour le plan sous-marin de ce massif si complexe, qu'ils connaissent comme leur poche ! A notre surprise, une très petite quantité d'algues est consommée sur place, directement par les herbivores (Patelles, ormeaux et oursins). La plus grande part est arrachée par les tempêtes, échouée et broyée au rivage et ainsi réduite en fine farine, consommée par les filtreurs : Moules surtout, puis éponges, bryozoaires, balanes et comatules. La production algale est supérieure à la consommation totale des filtreurs fixés. Il va sans dire que cette farine d'algues est distribuée par le jeu des courants sur une large zone et peut être utilisée loin de sa source de production, notamment par les coquillages et les vers des fonds de sable et de vase, qui eux nourrissent les poissons. C'est pour cela que l'on a en Bretagne deux fois plus de poissons (et de pêcheurs ! ) à l'hectare, que sur la côte sableuse des Landes.
Une explosion de vie
Mais que la vie est dure pour ces pauvres moules, guettées par des hordes d'étoiles de mer affamées, qui les attendent au pied des moulières. Celles-ci sont luxuriantes dans les sites très battus de l'ouest et du sud, associées en zone découverte, à des îlots de pouces-pieds, et plus bas à une floraison d'anémones d'espèces variées. Avec une belle quantité d'étoiles (Astérias et Marthasterias), l'on peut penser que, s'il reste encore des moules, c'est qu'elles sont protégées par cette barrière d'anémones sur lesquels les étoiles de mer se piquent les pieds ! En sont-elles réduites à attendre la chute d’une grappe de grosses moules (qui atteignent 10 cm pièce) alourdies e tas d'organismes ! Les moules ont encore une alliée, la grande étoile à 7 bras (Luida ciliaris) qui dévore les deux espèces d'étoiles précédentes, tout en préférant Astérias.
Devinez ce que j'ai dans l'estomac ? Les "Bios" ne s'ennuient pas au fond : sonder les estomacs des étoiles, poser délicatement une étoile sur des anémones, mettre face à face les deux terribles ennemis Asterias et Luidia. Non ! Ne pas gober au passage cette belle coquille Saint Jacques !
Dans ces sites très battus, aux eaux claires, où la plus grande vague annuelle est haute de 10 mètres, les laminaires s'étendent jusqu'à 26 m et les sables propres n'apparaissent que vers 20 m. Ici dominent les animaux-fleurs carnivores: gazons d'hydraires en plumes, plages multicolores d'anémone-perle, gros bouquets d'alcyon jaune, parterre de marguerites, d'anémones-dahlia... mais aussi quelques filtreurs adaptés au choc des vagues comme flustres, éponges calcaires, fesse d'éléphant (c'est une éponge !). La physionomie des parois est largement contrôlée par l'oursin globuleux violet pâle ou vert pâle, qui, omnivore, les racle à la façon d'un bulldozer.
Nous ne résisterons pas à l'attrait de la profondeur, où nous attendent, dans les sites de l'ouest, sinon une réelle variété Iles milieux les plus riches et les plus diversifiés étant entre 0 et 15 m) du moins un paysage grandiose de tombants, ou l'obscurité croissante, le sifflement du détendeur, contribuent à l'étrangeté des ces fonds. Dès les dernières laminaires nous attendent des formes nouvelles : éponges ramifiées, en cornet, alcyon rouge, alcyon transparent, tapis de Plumes d'or, gorgones, roses de mer. Dans cette lumière crépusculaire, de rares algues sont encore présentes, avant de disparaître tout à fait à 60 m (La Jument, au sud des Glénan... c'est le grand frisson ! ) pour faire place aux premières touffes de (Dendrophyllia), prémices du monde sans soleil.
La disparition du maërl
Revenons vite au monde plus hospitalier, vivant et coloré des 15 premiers mètres. Mais le temps se gâte "pas question d'aller au sud, je vous propose le nord, soit le Run, le Gluet ou le Huic" nous dit Roger Weigèle, le directeur du centre de plongée. Chic, on va aller compter les oursins et en ramener quelques uns pour les goûter ! Ces sites surplombent un fond de maërl. C'est l'habitat de prédilection de l'oursin émoussé violet foncé ou blanc, qui y effectue tout son cycle.
D'importantes populations se rassemblent au pied des roches du Gluet et de Pen a Men, pouvant grimper sur les parois par beau temps, jusqu'en zone des marées. Les fortes densités (7 par m² en moyenne) de cet animal herbivore dénudent la roche de sa flore et limitent l’extension des laminaires. On le trouve aussi, sur les petits fonds de sable coquiller, où il se "colle sur le dos" des débris de coquilles pour se protéger de la lumière. Cet oursin est comestible (grimaces de certains...) et il est même exploité depuis environ 5 ans dans le quartier de Concarneau. Il remplace avantageusement par sa taille le petit oursin comestible traditionnel (Paracentrotus) devenu rare aux abords de Concarneau depuis l'hiver 1963. Quelques sites "reliques" subsistent encore, sur les platiers sud de l'île du loc'h, que nous allons visiter religieusement à chaque stage, mais qui ne grandissent pas bien vite... et dans certains couloirs au large, connus des seuls initiés !
Le maërl est une des autres richesses des îles, au sens biologique du terme, car le micromilieu qu'il constitue, recèle une faunule abondante et variée, sert de nurserie à de nombreuses espèces, dont certaines ne sont que trop exploitées, comme la palourde rose des Glénan. Ces bancs, qui ont commencé a se constituer , pense-t-on, vers l'époque gallo-romaine, ont 7 à 10 m d'épaisseur, mais seuls les quelques centimètres supérieurs, recevant la lumière, sont vivants. De plus, ces algues, de croissance très lente, ne se reproduisent que tous les 5 - 6 ans (Voir Pen Ar Bed 1970, n° 63, J. Cabioc'h). Richesse plus matérielle pour ceux qui l'exploitent, et ce de manière si intensive qu'outre le déséquilibre des sédiments qui se traduit déjà par un recul de la dune nord de Saint Nicolas. "Ce banc est pratiquement mort aujourd'hui et le restera tant qu'on l'exploitera. Il est cependant probable que si l'on interrompait durablement toute extraction, la couverture de maërl vivant pourrait se reconstituer à partir des quelques individus vivants, restant dans des endroits inaccessibles à la drague". Le banc de maërl mort est lui-même bien entamé, les estimations lui donnant, au rythme actuel d'extraction (109000 m3 en 1990), une durée de 60 ans au mieux, de 11 ans au pire (Communication orale J-P Pinot 1988).
Une découverte: Polymastia Gleneni
Mais c'est maintenant la tempête ! Irons-nous plonger ? Dans les duvets ? "Pas question, dit Jeff, derrière Penfret il y a un joli petit coin à l'abri". Les sites à l'est de Penfret, proches d'une avancée de la Grande Vasière, ont une eau nettement plus trouble, des champs d'algues moins profonds. L'ambiance y est différente, plus terne, un dépôt fin recouvre la roche. Nous y trouvons dans les hauts niveaux l'algue brune en cornet (Padina), des buissons de cystoseires, puis le champ de laminaires où dominent la laminaire jaune à tronc lisse et la saccorhize. Ah, voilà un parterre d'anémone à beignet (Anernona viridis)! N'oublions pas d'en rapporter à Jacqueline pour la tarte aux anémones! La pointe de Pen a Men, privilégiée par un courant assez fort, s'enrichit d'espèces profondes qui "remontent" grâce aux houles plus réduites (vague annuelle de 3 m). C'est là que Gilles découvre le 2ème spécimen de la Polvmastia des Glénan (Polyrnastia gleneni), nouvelle éponge découverte en 1965 par Annie Castric... Cris de joie, congratulations, apéro général.
Rendez-vous dans la Chambre
Il nous reste à "patouiller" dans la Chambre pour voir le milieu le plus abrité de l'archipel, domaine de l'herbier de zostères, homologue de l'herbier de posidonies méditerranéen. C'est encore un milieu bien riche, par les organismes vivant sur les feuilles, entre les feuilles (Syngnathes, hippocampes, seiches, ale vins, juvéniles), au ras du fond : lièvres de mer, crevettes, pagures, crabes verts, ou enfouis dans le sable. Il est également productif par ses feuilles qui se reproduisent tous les deux mois (A Roscoff, la production annuelle nette atteint 10 kg de poids frais par m²). Puis l'herbier se clairsème avec une profondeur croissante et le fond de sable apparaît alors comme un jardin tranquille, avec çà et là sur les galets et les coquilles, des touffes de laitue de mer, de laminaire saccharine, les longs lacets de chorda. Le fond s'anime de nombreux poissons : gobies, callionymes, et avec un peu de chance nous pourrons jouer avec une sole ou une plie.
L'invasion japonaise
Après la découverte lors du stage 84 du premier pied de sargasse japonaise, elles se dressent désormais aujourd'hui en impressionnants chandeliers. Originaire des côtes NE de l'URSS et du Japon, elle a été introduite accidentellement avec les importations d’huîtres japonaises, et en l'espace de 15 ans a envahi l'ensemble des côtes européennes. Elle forme en certains endroits (comme entre Penfret et Guiautec) des champs considérables, concurrençant ainsi l'herbier. L'algue se fixe sur un galet, et, par son développement sur plusieurs mètres, fait écran à la lumière pour les zostères sous-jacentes. Cette concurrence qui s'ajoute aux dégradations causées par d'innombrables chaînes d'ancre, d'innombrables pêcheurs à pied qui grattent et qui regrattent à chaque grande marée fait peser une grave menace sur l'herbier. Encore un sujet d'étude ... Thème du prochain stage ? Qui sait ? Mais cherchons aussi une bonne recette pour accommoder la sargasse !
Nous parlons beaucoup de cuisine à ces stages "bios". Pas question cependant de remonter la moindre espèce noble ! Ethique du plongeur et ... il n'y en aurait pas pour tout le monde!!! Plaisir plutôt de goûter des saveurs nouvelles, des recettes inédites (bravo Jacqueline) mais aussi ... de rétablir des équilibres écologiques en ouvrant la consommation d'espèces jusque là négligées qui prolifèrent comme la mauvaise herbe (crabes verts dans la soupe!) au détriment des espèces nobles.
Particularité des Glénan
A la question : Qu'y a-t-il de particulier aux Glénan? Espèce? Milieu? Nous répondons: peu de tout çà pour le domaine marin. Signalons tout de même la découverte d' espèces nouvelles: l'éponge Polymastia gleneni et l'ascidie didemnide (Lissocliurn weigelei), retrouvées par la suite sur le continent. Les Glénan ne constituent pas une limite biogéographique comme le sont la pointe de Penmarc'h ou la Cornouaille anglaise. La faune comporte environ 8 % d'éléments méridionaux, par exemple la grande ophiure-serpent (Ophioderrna longicauda). Par contre nous avons vainement recherché deux espèces méditerranéennes présentes dans la baie de Morlaix: la belle étoile de feu rouge vif (Echinester sepositus) et le madrépore-chrysanthème (Leptop sarnrnia)... Encore une énigme ?
Dans ces eaux claires océaniques, les filtreurs sont certes moins abondants en nombre et en taille qu'en certains points du continent, mais ils sont cependant bien diversifié (Eponges: 106 espèces; Hvdraires: 82; Bryozoaires: 109; Anthozoaires: 38; Ascidies: SO; Algues vertes: 27; Algues brunes: 57; Algues rouges: 132. (inventaires des îles Glénan, établis au cours de 4 thèses de 3éme cycle, 1970-1971-1972)). Par contre les carnivores sont florissants et la flore algale profite au mieux de cette luminosité exceptionnelle.
Un monde à protéger
L'originalité de l'archipel réside plus dans la grande variété de sites et de milieux réunis dans un espace restreint que dans une flore ou une faune particulière. Roger Weigèle l'a bien compris lorsqu'il v installa, pour notre chance, voici 30 ans, le Centre International de Plongée.
Mais que de changements depuis lors !
Les grottes de Laon Egen Hir n'abritent plus ces grosses vieilles "wagons", les homards et les ormeaux sont près de 10 fois plus rares. Il y a 30 ans on trouvait des homards et des ormeaux en zone de marées ! . Cet archipel, soustrait par son insularité des pollutions urbaines, domestiques et industrielles, est néanmoins menacé d'un autre danger: la surexploitation (Drafage du maërl, pêche à pied par des lots de touristes, surpêche de toute sorte). Nous devons tous nous rendre compte que les ressources de ce petit archipel ne sont pas inépuisables, que tous nous avons là un capital à sauvegarder. Un des remèdes pourrait être la mise en réserve d'un secteur qui servirait de "foyer d'essaimage" pour la recolonisation du voisinage.
Autre remède plus général "territorialiser" davantage le droit d'exploiter les fonds à chaque quartier maritime et secteur, d'autant plus qu'ils sont plus côtiers.
Dans son propre jardin chacun est tellement plus économe !
Annie CASTRIC & Claude CHASSE
Le Maërl des Glénan
On désigne sous ce nom breton de petits arbustes rigides, algues rouges imprégnées de calcaire, roses lorsqu'elles sont vivantes, blanchâtres lorsqu'elles sont mortes. Ces algues vivent libres sur le fond sédimentaire et s'accumulent en bancs.
La première étude sérieuse sur les possibilités d'exploitation du maërl date de 1821 (Archives du Finistère). Avant reçu quelques échantillons de ces madrépores, Beautemps-Beaupré, le célèbre cartographe qui dressa la carte des côtes bretonnes de 1818, suggère que l'on pourrait, s'ils sont trop gros, les casser ou les calciner, avant de les mélanger à la terre afin de servir d'engrais.
Pour délimiter les zones exploitables, il propose la solution suivante (sic) :
"... Il faut s'adresser à Henry Monfort, pêcheur de l'Ile Tudy qui a servi plusieurs années sous mes ordres, comme le marin le plus capable de réussir dans ces recherches... Il est probable qu'il connaît parfaitement la nature des fonds... et mieux que moi aussi, les points de ces côtes où les madrépores se trouvent en grande quantité. Je ne serais pas étonné même qu'il fut en état de vous donner sur cette production marine des renseignements que vous attendriez d'hommes plus instruits que lui. Il suffirait de dire à Monfort que j'ai trouvé des madrépores partout où le fond est argileux et dur et que c'est sur les fonds de la nature de celui du grand mouillage des îles de Glénan que j'en ai trouvé le plus, pour qu'il sache non seulement où aller draguer mais aussi pour lui faire découvrir les endroits où les courants peuvent amasser les madrépores qu'ils entraînent de dessus les fonds où ils croissent. "
Beautemps-Beaupré joint à son rapport un document exceptionnel par la qualité de sa précision: une magnifique carte du nord des îles Glénan avec les indications de profondeur et la zone d'extension du maërl.