Cap Caval N° spécial Glénan
La pêche "au Gras" a ses adeptes mais beaucoup s'imaginent qu'il s'agit là d'un luxe inaccessible réservé à une élite capable e se payer un voyage dans les mers chaudes.
Que n'a t'on vu dans moults magazines ces acteurs ou chanteurs célèbres fendre la mer à bord de puissantes vedettes du côté des Seychelles et se battre gaule en main contre de gros poissons.
Combien de pêcheurs ou d'amateurs de sensations fortes savent qu'à deux heures de route de Concarneau ce sport est parfaitement praticable en Bretagne. Une rencontre avec le promoteur de celle activité originale va nous apprendre ce qu'offre ce nouveau terrain d'aventure dans les eaux des Glénan.
Loulou La Bigorne
Un homme du pays, Louis Moalic dit Loulou la Bigorne est devenu depuis plusieurs années l'organisateur, numéro un de la pêche au gros : une sorte de safari de la mer qu'il pratiqua tout d'abord pour son plaisir mais qui constitue désormais son activité principale à l'intention des amateurs de fortes sensations mariant la pêche et le sport.
Massif, barbu et hirsute, le mégot coincé au bord des lèvres, le look du capitaine de "La Bigorne II" colle parfaitement au stéréotype plus vrai que nature, du coureur des mers tel qu'on se l'imagine sur les bords de la Seine.
Loulou, le verbe direct et convaincant, me vante les qualités de sa vedette amarrée au ponton C de Port La Forêt: 15 mètres sur 4, deux moteurs de 135 chevaux, elle est équipée en matière d'électronique du tout dernier must en vigueur: sondeur, radar, toran et vigile pour faire le point, V.H.F etc... En prime, une caméra Vidéo, un magnétoscope et une télé pour filmer et visionner les invités en action et les prises. "Les souvenirs d'une sortie c'est important pour les clients qui emportent avec eux la cassette consignant leurs exploits d'un jour ainsi que les poissons pêchés" souligne Loulou.
Le recrutement de ceux-ci est très large, tant concernant l'échelle sociale que la nationalité : des Français mais aussi des Belges, des Hollandais, des Allemands, des Suisses, parfois des Anglais mais plus rarement.
La saison couvre en général la période entre Pâques et le mois de septembre mais le bateau est opérationnel toute tannée si nécessaire. L'équipage se compose en général de 3 personnes. "La Bigorne II" diversifie parfois ses activités : quelques remorquages et de temps en temps une échappée comme celle effectuée en Angleterre avec des journalistes pour le départ d'une transat, mais l'essentiel de son occupation c'est la pêche "au gros".
Une journée en mer
Parlons maintenant d'une sortie type. Loulou me la décrit : "Nous pouvons embarquer jusqu'à 12 passagers. Prix de la journée : 500,00 Fr. par personne, gratuité pour les enfants, les repas sont compris ainsi que l'accès au bar, ouvert en permanence - indispensable pour l'ambiance et la convivialité –
Départ à 8 heures du matin de Port La. Forêt, retour le soir à 20 heures. Il nous faut une heure de route pour gagner les Glénan puis une autre pour atteindre un lieu de pêche sur une base connue, généralement autour d'une épave. Nous mouillons par 80 à 100 mètres de fond et jetons les lignés à l'eau. Du gros calibre comme on peut se l'imaginer avec pour appâts des petits maquereaux pêchés à la traîne en cours de route. L'attente n'est guère bien longue et c'est bien le diable si quelques congres, juliennes ou gros lieus ne viennent assez vite titiller les hameçons.
"Rodéo-requin"
Le but principal étant surtout la pêche aux requins, c'est lorsque l'un d'entre eux s'accroche à une ligne que commence le rodéo. Sanglés sur les deux fauteuils de l'arrière, les candidats à la manœuvre doivent alors faire preuve de savoir faire et d'énergie pour fèrer les squales dont la force est phénoménale. Dès qu'ils se sentent pris ils piquent au fond et remontent, se tortillent, sautent et partent à grande vitesse dans tous les sens entraînant le bateau dans une course folle. Le pire c'est quand plusieurs mordent en même temps : "J'en ai vu jusque trois à la fois. Alors çà se complique, surtout que les lignes peuvent se dérouler chacune sur 200 mètres. Bref une belle bagarre et bon nombre d'émotions pour ramener à bord des bestioles faisant de un à deux mètres et pesant jusqu'à 70 kilos pièce. L'habileté de l'homme à la barre est alors déterminante pour contrôler la vitesse et la direction du bateau".
Le requin le plus pêché autour des Glénan est le "peau bleu" pouvant atteindre 5 mètres mais on capture aussi des "taupes" et des "renards". Quand au "pèlerin" pouvant dépasser ces mensurations il ne mort pas à l'hameçon pour la bonne et simple raison qu'il est végétarien et ne se nourrit uniquement que de plancton : un pacifique qui dénote singulièrement dans la catégorie des squales.
Une sortie de pêche à bord du "Bigorne II" est toujours fructueuse et l'émotion garantie. Pendant l'été 89 le record de prises a été en une journée de 18 requins et le bilan saisonnier s'est chiffré à 240 exemplaires. Qui dit mieux au vu d'un tel palmarès.
Voyage d'études
Loulou et quelques copains se paient chaque année ce qu'ils appellent "un voyage d'études" dans les mers chaudes d'Afrique pour tâter un peu de la concurrence et s'en reviennent chaque fois peu enthousiastes en raison de la modestie des résultats obtenus. "Nous n'avons rien à leur envier" déclare avec condescendance le concamois ... et puis "Pourquoi aller si loin quand nous disposons ici d'un vivier naturel de premier plan dans un environnement aussi tonique et aussi beau".
Jakez CORNOU