- By: Jean-Yves LE DRÉAU
- In: Autres revues & documents
II est, invité à une exposition de prestige à Paris
Yvon Le Douget, céramiste d'art
Le Mousterlinois Yvon Le Douget vient d'être invité à présenter une trentaine de ses œuvres, du 5 au 21 novembre, au Lavoir, à Paris, en compagnie de trois autres artistes. Une invitation qui équivaut à une consécration. A 44 ans, Yvon Le Douget est désormais considéré par ses pairs, comme l'un des meilleurs céramistes d'art en France.
" Le Lavoir est une association née il y a une dizaine d'années, dont le but est de promouvoir l'art céramique dans sa diversité. Au fil des ans, elle a reçu bon nombre des plus grands créateurs contemporains ", explique l'artiste mousterlinois qui va donc s'y retrouver dans quelques jours, en compagnie notamment de Charles Hair, un céramiste de notoriété mondiale.
Mariage somptueux
Voilà maintenant 20 ans qu'Yvon Le Douget s'est pris de passion pour la céramique en général et pour la recherche sur les émaux de haute température en particulier. La céramique repose, en effet, sur le mariage somptueux de l'argile et de l'émail. " La fine pellicule de verre va fondre à 1 300 ° et recouvrir la pièce. Ce sont les métaux qui vont la parer des plus belles couleurs ", explique l'artiste. Une opération qui demande une grande maîtrise que l'on acquiert au bout de plusieurs années d'expérience. Quelques degrés de trop, quelques minutes en plus, et la superbe pièce aux formes épurées perd sa perfection et est irrémédiablement mise au rebut. " C'est vrai que, selon l'atmosphère de cuisson, le cuivre donnera des rouges ou des mauves (réduction), des verts ou des bleus (oxydation) ", note Yvon Le Douget, fasciné par ce " sang de bœuf " dont les Chinois gardèrent le secret durant des siècles.
" Bleus de cuivre "
Chez tout céramiste il y a, en effet, quelque part, un alchimiste qui sommeille et si Yvon Le Douget est prêt à faire. partager ses méthodes de travail (plusieurs classes d'art ont eu lieu dans son atelier, les années passées), il conserve jalousement les recettes magiques qui lui valent, aujourd'hui, la considération des milieux de la céramique. Arrivé des Côtes- d'Armor à Fouesnant, en 1985, il a connu un début de reconnaissance avec une première exposition à Paris, en 1994. Elle lui avait permis déjà de côtoyer celui qu'il considère comme son maître et la référence absolue de la céramique en France, Daniel de Montmollin, un moine de Taizé. Avec cette nouvelle exposition, au titre explicite, " Bleus de cuivre ", Yvon Le Douget va donc pouvoir montrer à un large public que son humble salle de Mousterlin (99, route de Mestrezec, tél. 02 98 56 11 77) recèle des merveilles. La profession souffre, en effet, d'un problème d'identité. " Trop de gens nous prennent encore pour des fabricants de vaisselle ", regrette-t-il. Une simple visite chez Yvon Le Douget les ferait vite changer d'avis.
Jean-Yves LE DRÉAU
Correspondant Ouest - France
(OF du 31 oct. - 1er - 2 novembre 1997)
- By: Gwenn-Aël BOLLORÉ
- In: Autres revues & documents
L'été, le soleil l'écrase de chaleur et la mer se couche à ses pieds. A l'automne, elle se nimbe de brume et s'exhausse au-dessus des flots. L'hiver est le règne des vents et des tempêtes ; les embruns voltigent au-dessus d'elle d'ouest en est.
Mais, au printemps, les beaux jours reviennent, les fleurs s'épanouissent, la mer s'assagit bien qu'elle chante encore, c'est le temps des sortilèges
(Célébration de la Bernique. Voiles – Gallimard)
Ainsi est l'Archipel de Glénan, tel un collier de perles fines, suspendu pour la fin des temps au cou de la Bretagne.
Drenec, Penfret, Quignénec, Castel Braz, Guiriden, etc., y tiennent leur place, mais la plus belle, la plus grande, la plus sauvage, situé au Sud avec son étang et sa groac'h est sans conteste l'Ile du Loc'h. Au Nord, jouant le rôle fermoir, est St Nicolas. C'est le plus faible maillon de la chaîne car l'homme s'y est implanté. C'est donc l'île de tous les risques. Elle est la seule où une cale permet aux vedettes d'accoster et de vomir d'innombrables touristes et même le cas échéant des engins motorisés : le ver est le fruit de la mer.
On m'a certifié, qu'au mois d'Août dernier, on avait dénombré plus de deux mille touristes le même jour et cela pour une superficie de quelques 12 hectares !
De plus, depuis, la dernière guerre, des maisons au style et à l'implantation contestable ont été construites. Les transistors ne manquent pas et sans nul doute on verra bientôt vendre des frites, des pizzas et des coquillages venus tout droit de Floride. J'ai d'ailleurs remarque un gamin, sur l'embarcadère, proposer des galets qu'il avait ramassés quelques minutes auparavant sur la plage... et ses affaires semblaient bien marcher !
Alors les amoureux de la nature se sont émus mais semble-t-il sans grand résultat car si le camping a théoriquement été interdit, deux mille touristes, panier de provisions dans la saignée du coude, cela fait pas mal de détritus sans compter les effets secondaires des agapes.
Certes des Feuillées ont été dressées, mais outre leurs silhouettes inesthétiques, elles ne sont pas en nombre suffisant et puis il y a le piétinement de la dune qui massacre ce qui devrait être un sanctuaire.
J'en veux, pour exemple, "la saga du narcisse de Saint Nicolas".
"Cette fleur endémique vivait paisible, jusqu'au jour ou la presse annonce qu'elle était unique au monde, alors beaucoup voulurent en ramener un spécimen et l'espèce fut en voie de disparition. Pétri de bonne volonté et de bonnes intentions, il fut décidé d'enclore la pépinière. Mais bien l'abri des vents, la végétation se mit à pousser très dense, risquant d'étouffer les précieuses plantes à bulbe. Alors on mit des moutons qui paraît-il ne mangent pas les narcisses. C'était une bonne parade, mais l'été venu, les chiens des visiteurs non tenu en laisse, sautèrent la frêle barrière pour courser les ovins !
Que faire ? On leur donna pour compagnon un âne qui devait les protéger à coup de ruades".
Je ne sais pas quelle morale eut tirée de cette fable "le narcisse, le mouton, le chien et l'âne", Monsieur de La Fontaine, mais cela donne à réfléchir. Aujourd'hui quelques milliers de plantes prospèrent sur Saint Nicolas.
Par contre, notre poète aurait eu plus de mal, les hélicoptères n'existant pas en son temps, à parler de l'incursion d'une célèbre émission de télévision qui en toute bonne foi, j'en suis sûr, survolèrent la réserve de sternes de l'île aux moutons, pour filmer la nidification et demander aux gens de ne pas les importuner. Cette année-là, les oisillons ne survécurent pas.
"Excusez-moi, avait dit un jour Georges Clemenceau, au Parlement, je n'ai pas eu le temps de faire court".
"Excusez-moi aussi, j'avais beaucoup trop de choses dire".
Il faut protéger les Glénan. Les dunes reculent et à part les goélands, les oiseaux marins disparaissent, les fonds intertidaux sont devenus un désert écologique, il y aura bientôt plus de pêcheurs à pieds que de coquillages et la faune sous-marine est exsangue : la langouste a disparu et bientôt le homard relèvera des rêves.
Que faire ? Je ne sais pas. Mais l'enjeu est tel que cela mérite quelques séances de travail d'autant qu'il y a un large consensus sur le but recherché.
Le paradis terrestre a disparu. Nous en savons quelque chose. Œuvrons pour sauver ce petit paradis maritime qui a pour nom Glénan.
Demain il sera trop tard...
Gwenn-Aël Bolloré
- By: Jean-Pierre LE MARC
- In: Autres revues & documents
Un dossier paru dans "Le Caboteur", magazine disparu et une photo du redempteur.
En rouge le texte de JP Le Marc enlevé par l'éditeur
En vert le texte rajouté par l'éditeur
Grand titre : Les Glénan : une histoire de familles
C’était avant…
Avant que l’archipel des Glénan ne devienne une de ces charmantes destinations pour une sortie en mer depuis Loctudy ou Concarneau ; avant que le « lagon » ne soit encombré de bateaux les week-end de beau temps ; avant que l’archipel n’héberge la célèbre école de voile qui s’est si bien identifiée à ce lieu quelle en porte désormais le nom…
Les îles de Glénan n’étaient encore qu’un archipel sauvage, fréquenté par quelques pêcheurs qui en arrachaient la survie de leur famille. Et fort Cigogne abritait pour eux une étonnante épicerie-buvette…
C’était avant. Au fond, il n’y a pas si longtemps…
Dossier réalisé par Jean-Pierre Le Marc
Article 1 –
(Titre) Chronique ordinaire d’une journée de printemps aux Glénan
(Chapô) Le vent qui claque dans la misaine du « Petit Camus » porte bon plein le bateau parti de Larvor il y a près de trois heures. Loin au nord déjà, l’Ile aux Moutons baigne dans la brume grise et poisseuse d’un printemps maussade. La visibilité est mauvaise. Il fait froid. La journée sera rude aux Glénan.
Légende photo : Guillaume Charlot (misainier le "Petit Camus") tient sa petite-fille par les épaules. A sa gauche sa femme, Marie-Louise et près d’elle sa fille Odette (taverne-épicerie des Glénan). Derrière Odette, son mari, Jacques Le Lay (« Fleur des îles »). A gauche d’Odette, son frère Louis. A droite de Guillaume sa fille Marie-Louise. Près son mari, Eugène Mariel (« La Flambardière » et l’« Aide toi »). Derrière lui, Michel.
(Texte) En ce début d’avril 1926 la campagne goémonière commence. Elle va durer jusqu’à la fin de l’automne. Les hommes qui fréquentent depuis si longtemps l’archipel se frottent rudement la carcasse aux hasards de la nature.
L’hiver a ramené son lot de tempêtes et de froidure, et le printemps, depuis le temps qu’on le répète, n’est plus ce qu’il était. Alors, parce que la vie est au bout de la peine, Louis-Marie Charlot (1881-1968), que tout le monde apelle Guillaume goémonier-cultivateur, patron du « Petit Camus », grommelle un « Boul gurun ! » (phonétiquement « boul hu’renn » « boule de tonnerre ») un des plus terribles jurons qui soit… dans sa bouche. C’est un homme de taille moyenne, mais nanti d’une force herculéenne. Cette véritable force de la Nature tient ferme la barre franche du bateau porté par sa misaine. Près de lui son fils aîné, Louis, 18 ans (1908-1992. Il se prénomme en réalité Guillaume-Louis), et un matelot sans âge. Le « Petit Camus » est un misainier non ponté de 24 pieds, avec une voile de 17 70m2 et un tape-cul de 15 35 m2, immatriculé QP 3400, du nom du quartier maritime de Quimper, celui du Guilvinec n’existant pas encore.
Parti dès le lever du jour le « Petit Camus » tape sèchement dans la houle de suroît, celle de la queue du coup de chien qui a sévi en début de semaine.
Si le temps s’est calmé – il y a dix nœuds de vent – la mer pour autant n’a pas encore mis fin à son mouvement semblable à une longue respiration venue des fonds. Une fantastique mécanique forgée au coeur de l’univers actionne les flots, pousse les nuages, chassant vers le nord les enclumes de plomb d’un ciel marqué de lourdes ecchymoses. « Dalc’h mad paotred ! » (« Attention les garçons »). Le « Petit Camus » épaule une vague traîtresse, une de celles qui se forme sur les hauts-fonds qui entourent l’archipel. Il fait jour, mais le soleil noyé de brouillard n’éclaire… que l’infini.
Univers de solitude
Dans les premières lumières d’un matin terne, les premières îles posent leurs formes fantomatiques sur l’horizon d’un gris de tôle martelée qui le rive à la mer dans une banale confusion de teintes froides : Saint-Nicolas, Drenec, Penfret, Le Loch... Quelques autres voiles brunes ou rousses, suivent la même route.
Dans leurs vêtements de coton déjà humide, les trois hommes du « Petit camus » surveillent avec attention les fonds d’« Ar Glénenn », « Les Glénan », cet archipel qui n’a rien de magique et où ils viennent gagner le pain quotidien.. Le dernier bord les a menés dans un chenal indéfini où émerge la silhouette ouatée de Fort Cigogne. Les voilà, pour quelques heures dans leur royaume, un univers de cailloux peu engageant, souvent sinistre de solitude malgré les pêcheurs de la région qui vivent quelques mois de l’année sur ces points de sable et de granite crachés par l’océan.
A peine à terre les trois hommes se mettent au travail. La marée est moyenne, et la cueillette se fait au croc à trois doigts. Mais, la semaine prochaine, quand les coefficients auront grossi, c’est à la faucille qu’aura lieu la moisson d’algue. Si le travail de coupe ne dure que quelques heures il est éprouvant et une tonne de goémon s’entasse bientôt dans le misainier ! Le repas, rapide et frugal, se compose d’un unique plat de galettes[1].
Aux premiers clapotis du jusant le Petit Camus, poussé au long aviron de bois, s’engage dans les chenaux difficiles des hauts-fonds. Louis et le matelot, les pieds dans le chargement de goémon, préparent la misaine.
Prix de misère
Le temps s’est adouci depuis leur arrivée et, depuis une heure, il fait même un joli temps de printemps. Un dernier effort sur l’aviron et le Petit Camus glisse sur son aire alors que monte la voilure d’un rouge brun semblable à tant d’autres. Le vent du matin s’est enfui avec les dernières traces de brume. « Boul gurun ! » gronde Guillaume. Dans ces conditions il leur faudra au moins six heures pour rentrer à Larvor ! Là-bas, loin, très loin, sur la grève de Porz Kerizur, à Larvor, une petite femme sobrement vêtue de noir, la main devant les yeux scrute l’horizon, cherchant vainement d’apercevoir la silhouette du « Petit Camus »…
Il n’y a plus un souffle de vent. La mer est aussi plate que le sable ! « Boul gurun » murmure Marie-Louise (1881-1962). Son mari et son fils ne seront à terre qu’en fin de journée. Il faudra alors remonter et étaler le chargement de goémon sur la dune. Quand il sera sec et que, voyage après voyage ils en auront suffisamment ramené, les hommes pourront enfin rester à terre.
Alors, les familles s’entraidant, par groupes de cinq ou six, on remuera la cendre dans les fours garnis de pierres creusés dans la dune. Les fers des bêches trempés dans l’eau découperont les pains de cendre (la soude) qui, refroidis, seront livrés aux deux « usines» de Larvor. De qualité de la soude, d’où est extrait le fameux carbonate de sodium utilisé, notamment, pour la fabrication de la teinture d’iode, dépendra le prix de vente. Un prix de misère. « Boul gurun ! ».
JPLM
Légende photo : Guillaume Charlot (misainier le « Petit Camus ») tient sa petite-fille par les épaules. A sa gauche sa femme, Marie-Louise et près d’elle sa fille Odette (taverne-épicerie des Glénan). Derrière Odette son mari, Jacques Le Lay (« Fleur des îles »). A gauche d’Odette son frère Louis. A droite de Guillaume sa fille Marie-Louise. Près son mari, Eugène Mariel (« La Flambardière » et l’ « Aide-toi »). Derrière lui Michel.
« Le matelot était si pauvre que sans les galettes que nous faisaient ma mère il serait sans doute mort de faim » rappellera Louis, 60 ans plus tard.
Le temps de la crevette
En 1929 Michel Charlot (1916-1994) remplace son frère, « parti faire son temps », sur le « Petit Camus ». En 1931 Guillaume fait construire un nouveau misainier, « L’Idéal » (GV 5010), un beau bateau de 19 pieds planté d’un mât de 21 pieds et gréé de 72 m2 de voilure. Une misaine si raide que Guillaume lui-même ne parvient pas à étarquer ! Quelques années plus tard, quand Louis rentre du service militaire (Parti à 20 ans comme tous les marins, mais aîné d’une famille de 5 enfants, il a « seulement » fait 2 ans au lieu des 3 ans habituels. L’occasion de faire un tour du monde sur la « Jeanne » - au service d’un médecin - au cours duquel il visite Hollywood où Maurice Chevalier vient chanter pour les marins français), son père fait construire le Saint-Michel (GV 5659) un 18 pieds de « tête en tête » gréé de 50 m2 de voile. Le temps de la pêche à la crevette commence aux Glénan. Avec l’arrivée des premiers moteurs, elle va bouleverser les modes de vie.)
Article 2-
(Titre) Les îles Glénan : Un archipel d’eau bleue sur la « mer ténébreuse »
(Chapô) Planté au centre de son îlot comme la cheminée d’un navire de pierre définitivement à l’ancre, la tour de Fort Cigogne demeure le principal vestige du passé militaire de l’île. Repaire de corsaires ou abri du marin, l’archipel des Glénan possède une solide histoire.
(Texte) Les hommes de guerre, et ils sont nombreux, Anglais, Espagnols, marins ou forbans d’origines diverses, ont longtemps guetté de l’archipel les navires marchands venus de Bordeaux, de Brest, de Normandie…
Ainsi, écrit le 22 avril 1648 Guy Autret de Missirien : « Je vous dirai pour nouvelles que neuf ou dix vaisseaux pirates Espaignols et Biscaiens infestent nos côtes maritimes depuis quatre ou cinq mois, ont prins de nos barques marchandes et déprédé plus de cinquante navires, sans que les vaisseaux gardes costes entretenus du Roy y ayent donné aucun ordre. Ces pirates, au nombre de neuf, aveint leur retraite en un isle appelée Glénan située à trois lieues de la terre ferme devant les embouchures des havres de Conquerneau et de Bénodet, en la coste de Cornouaille.[2] »
Comme de nombreuses îles de par le monde, celles des Glénan ont, de toujours, attiré les hommes. Ébauches de civilisations diverses, course, piraterie, commerce, ont marqué de leur sceau cet étonnant chapelet de sable et de roche aux allures souvent qualifiées d’exotiques… par ceux qui les fréquentent par beau temps.
Vestiges néolithiques
Ces collines sous-marines furent-elles autrefois (il y a 3 ou 4000 ans, avant la montée des océans) reliées à la terre par une chaussée naturelle ? Nos mystérieux ancêtres bâtisseurs de mégalithes (qui n’étaient certes ni Celtes ni Bretons, ceux-ci n’étant arrivés que 2000 ans plus tard) parcouraient-ils à pied le chemin difficile et dangereux menant des marais de l’embouchure de Loctudy à ce qui allait devenir un jour Saint-Nicolas, Penfret, le Drenec ? Peut-être ? Des vestiges néolithiques (à partir du 5ème millénaire) permettent de penser que l’archipel fut occupé par une petite population « d’agriculteurs-éleveurs » dont on retrouve plus tard les traces à l’âge du bronze et à celui du fer.
Mais l’histoire des Glénan est aussi indissociable de celle de l’Armorique et de celle de la mer en général où, dès l’Antiquité, Grecs et Phéniciens[3] se livrèrent à des explorations aventureuses, commerçant l’étain qui, allié au cuivre, leur permettait la fabrication du bronze.
Marins d’aventure
Si sur la célèbre carte d’Idrisi dessinée vers 1154 (Réf. aux travaux de Bernard Tanguy en 1991) les Glénan ne portent pas encore de nom – ils reposent pourtant dans le « vide » de la « mer ténébreuse occidentale », jusqu’à ce que, en 1321, l’Atlas de Petrus Vesconte, ne les positionne avec une belle exactitude face à « Concarneau ».
(Inter) Un mouchoir… dans le vent
Alors, les Glénan furent-ils une escale pour ces courageux navigateurs venus depuis près de 1000 ans de l’autre côté des Colonnes d’Hercule vers la mer ténébreuse ? Sans doute. Comme ils le furent vraisemblablement, quelques siècles plus tard, au1er millénaire, pour les Vénètes (une tribu indo-européenne d’Europe du nord) et les Osismes.
Ce n’est donc pas le hasard, mais une menace bien réelle, qui fait prendre la plume à Guy Autret de Missilien en ce jour d’avril 1648 évoqué plus haut. Le trafic des navires marchands commerçant la toile, le vin, le bois, ou les bâtiments de retour de croisières lointaines attirent autant que l’or les marins d’aventure.
Locronan par exemple, riche d’une prospérité liée à son commerce de toile de chanvre et de lin exporte sa production sur l’Espagne et le Portugal. La Compagnie des Indes, mythique symbole de découvertes de terres nouvelles, d’exotisme aux parfums mêlés de senteurs d’épices transporte les marchandises les plus fabuleuses au delà des mers.
Alors les marins d’aventure, ceux qui, sans véritables ports d’attaches se louent aux rois ou aux brigands, ceux qui chassent pour leur seule fortune, trouvent aux Glénan un refuge propice à leurs forfaits. Embusqués dans l’archipel, guettant les bâtiments de commerce sur leurs petits navires d’une vingtaine de tonneaux, ils filent à la curée. Corsaires, pirates, hommes de peu de loi, Anglais, Espagnols en guerre contre le royaume de France trouvent aux Glénan un abri et une impunité assurée.
Elevés à partir de 1756, bien après la missive de Guy Autret, les fortifications de Cigogne (seiz cogn : sept coins en breton) abritent une centaine d’hommes d’armes, qui n’empêcheront nullement les Anglais de s’installer sur l’île de Penfret, hors de portée des boulets de canon des soldats du Bon Roy de France.
Une sorte de « no man’s land » s’instaure même, avant que, du début du 19ème siècle à la guerre de 14-18, les Glénan n’attirent une petite population sédentaire (environ 80 personnes auxquelles s’ajoutent les quelques marins qui fréquentent les îles).
Un mouchoir… dans le vent
La pauvreté et les rudesses de l’hiver auront raison des plus résistants d’entre eux : une quinzaine « d’habitants » en 1962). Ceux qui, dès leur installation, s’inquiètent du sort de leur âme – et qui ne peuvent rallier l’église de Fouesnant à cause de l’état de la mer – réclament un lieu de culte.
Monseigneur du Marchallac’h, ancien Zouave Pontifical et évêque de Quimper et de Léon leur accorde une oreille attentive, se déplaçant même sur Cigogne afin de rassurer ses ouailles. La petite histoire veut alors que, sortant un mouchoir, Mgr du Marchallac’h le confia au vent… qui le déposa sur l’île du Loch ! La paroisse des Glénan était née.
Elle allait durer 18 ans avant que son recteur, lassé du mauvais temps, désespéré des dégâts réguliers causés par les tempêtes à sa chapelle de bois, manquant de moyens, demanda a être transféré à sa paroisse d’origine : l’île de Sein.
(Inter) D’une guerre à l’autre
Entre la guerre de 14-18 et celle de 39-45 les Glénan connaissent surtout la fréquentation de cultivateurs-goémoniers du littoral proche, avant que ne développe un véritable artisanat de la pêche. Si la richesse des fonds (homard, crustacés, crevette…) est depuis longtemps connue, il faut attendre les années 25 à 30 et l’apparition des premiers moteurs de 3 à 4 CV à essence - pour que s’installent les éléments significatifs du marché. Motorisés, les bateaux gagnent en temps et en puissance.
D’une guerre à l’autre
Hébergés dans les casemates de Cigogne, les marins descendent généralement sur Concarneau une fois par semaine. De 1929 à 1933, Odette Le Lay, et son mari Jacques (bateau le « Fleur des îles »[4]), tiennent une épicerie-bistrot sur Fort Cigogne. Leur beau-frère, Eugène Mariel (1897-1966), possède lui « La Flambardière », qu’il perdra dans un naufrage aux Glénan avant de faire construire l’« Aide toi ! » (Il refusera toujours de s’équiper d’un moteur et naviguera toute sa carrière à la misaine).
En 1942 - en pleine occupation - les Allemands accordent des autorisations de pêche aux marins. Des bateaux, comme le « Saturne », sont équipés d’antiques moteurs de voiture ! Après la guerre les marins des Glénan verront souvent passer les gros bâtiments de la Royale, la Marine Nationale, qui, poussés par leurs puissantes chaudières à charbon « pinassent » à 20 nœuds sur leur base de vitesse favorite.
Dans la petite société de marins (dont certains sont accompagnés de leur famille) installée aux Glénan on retrouve des Joncour, Le Roux, Mariel, Jacq, Le Marc, Péron, Firmin, Chaffron, Le Lay, Bodéré, Le Reun… des hommes venus, de Léchiagat, de Larvor, de Lesconil…
Mais, comme le fait remarquer dans « L’appel de la mer » (Ed. France-Empire) le globe-trotter, reporter et universitaire américano-bigouden (Titulaire d’un Doctorat de français il enseigne aux USA) Youenn Kervennic (né en 1954 à Larvor) qui, dès son enfance, passait régulièrement un mois d’été aux Glénan : « Etrangement sur ces îles de la commune de Fouesnant, la population est principalement constituée de marins de Larvor… Ils me semblent tous âgés (Nda : ils ont 50 ans en moyenne) avec leurs visages burinés. Ils ne sont jamais endimanchés et toujours mal rasés. De plus ils ne parlent que breton entre eux, et j’ai parfois l’impression que leur voix s’est imbibée du son caverneux du ressac »[5].
Dernier irréductible
La vie est difficile, ingrate sur l’île. La pluie, le vent, la solitude, les paillasses humides des casemates, les rats qui pullulent n’engagent pas à la méditation poétique. Certains personnages sont pittoresques ou fantasques, certes, mais les autres luttent ferme dans cet environnement souvent hostile. Les années soixante les voient peu à peu abandonner les casemates et leurs bateaux de 20 pieds : les plus âgés partent à la retraite, les plus jeunes embarquent sur les chalutiers vers ce nouvel Eldorado qu’est la pêche au large.
Evoquant le dernier des derniers, l’irréductible Pierre Bodéré qui s’accrochera jusqu’au bout à Fort Cigogne, Youenn Kervennic écrit encore : « Pierre est le dernier de toute une génération de vieux marins à refuser de quitter l’île. Son bateau, le « Fend-la-Brise »… fait partie de ces rares bateaux qui ont encore des moteurs à essence… »
Quand Pierre Bodéré quittera les Glénan l’ère des marins vivant sur l’île s’achèvera. Elle bouclera, dans la plus grande discrétion, une certaine histoire de famille.
Jean-Pierre Le Marc
(Paru dans le magazine « Le Caboteur » – Octobre/novembre 2000)
La grillade de rats : vers 1930, excédés par les rats, les marins les capturaient par dizaines dans leurs pièges. Ils les enfermaient alors dans un grand panier de grillage qu’ils jetaient dans un feu allumé près du pont-levis, au fond du fossé asséché.
[1] « Le matelot était si pauvre que sans les galettes que nous faisaient ma mère il serait sans doute mort de faim » rappellera Louis, 60 ans plus tard.
[2] Extrait de l’ouvrage « Le Finistère, de la Préhistoire à nos jours » Ed. Bordessoules.
[3] Dans les années 1920 l’écrivain breton Auguste Dupouy découvrit lors de travaux sur le quai de Saint-Guénolé-Pemmarc’h, un grand nombre de pièces de monnaie phénicienne enfouies dans la vase.
[4] Il possédait une antique canardière : « Un jour d’automne, vers 1930, en un seul coup de fusil j’ai tué 10 canards sur l’étang du Loch » aimait-il a rappeler dans les années 70.
[5] « L’appel de la mer » (Ed. France-Empire)
- By: Charles MADÉZO
- In: Autres revues & documents
Extraits du roman
« Nous voici pour trois jours dans les îles de Glénan. Jenny connaissait peu les fonds atlantique. Avec Éric et Bruno, nous voulions cerner pour elle l’énigme qui attire si fort sous la mer. Nommer le secret que nous poursuivons de saison en saison sous le prétexte de pourchasser des poissons qui, aussi nobles et sauvages soient-ils, ne peuvent à eux seuls justifier l’effort des apnées profondes et les risques d’affûts sous dix brasses d’eau. En fin de compte, nous avions suggéré qu’un vrai secret, c’est toujours une affaire de femme ou de mort »
...
Sans ternir le moins du monde la transparence de l’air, la nuit décante sur les récifs ses premières doses d’obscurité. Tout autour, la mer, immense réservoir de lumière froide, déroule en nappes chiffonnées ses scintillements pâles, froissant ses friselis d’argent sous le pinceau des phares piqués aux avant-postes des écueils. Leurs balayages se croisent et se répondent, succession de brèves et de longues, débusquant les replis du crépuscule en syncopes rythmées qui, malgré leur régularité, chaque fois me surprennent. Au nord La Pie, Penfret, puis le balais vif des Moutons, au sud la Jument qui croise Pérennès, et, comme venues de lointaines constellations, les torches de Pen-Men et de Trévignon : chaque éclat me renvoie dans une brève illumination l’image insolite de trois visages rieurs aux traits mangés d’ombre. Chacun d’entre nous révèle ainsi, ces spots intempestifs, une secrète tension intime : le recueillement qu’ont les chasseurs le soir avant la traque et les guerriers aux veilles des batailles.
...
Hors les Goélands, tout nous accueille ici avec munificence. En ce mois de juin des tapis de minuscules fleurs mêlent des parfums impalpables à l’iode forte des goémons. La petite crique étale un sable blanc constellé de maërl et de coquilles. Sur la pente de la dune piquées de douce-amère, les hautes touffes de criste évoquent les dédales des couloirs sous-marins. Jenny nous a montré qu’écrasées dans les doigts, la senteur lourde de leurs feuilles grasses épaissit l’air, l’embue comme un brouillard de vétivier. Les narines dilatées, les yeux braqués sur la pénombre, nous avons alors un court moment guetté, dans le labyrinthe vert sombre des bouquets, l’éclair de quelque grand bar solitaire que la magie du soir aurait égaré hors des fonds environnants.
...
- By: Philippe LÉOST
- In: Autres revues & documents
Devenir des poneys de l'île du loc'h (P. Léost, avec la collaboration de Michel LE PAGE du conservatoire du littoral).
- By: Divers AUTEURS
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Article de l'ILLUSTRATION N° 4519 du 12 Octobre 1929
Journal Universel Hebdomadaire
13, rue Saint Georges
Paris (9e)
Notre marine militaire vient de remporter un nouveau et éclatant succès : le contre-torpilleur Verdun, de 2.690 tonnes, commandé par le capitaine de vaisseau Richard, a atteint, le 21 septembre, au cours de ses essais à toute puissance, sur la base des Glénans, la vitesse de 40 nœuds 19 (74 km. 431 à l'heure), en développant 84.000 chevaux, battant le record de son similaire le Valmy, qui, le 11 mai dernier, atteignit la vitesse de 39 nœuds 85 (73 km. 802 à l'heure), en développant 78.000 chevaux. Le Verdun est maintenant le navire le plus rapide des flottes de guerre et de commerce du monde. Ce match émouvant a débuté par Ie record du Guépard qui atteignit 38 nœuds 45 (71 km. 209).
L'appareil moteur du Verdun est constitué par deux turbines à. haute pression, deux turbines à basse pression et deux turbines de croisière formant deux groupes disposés en deux compartiments indépendants et actionnant chacun une hélice, par l'intermédiaire d'engrenages sur la ligne d'arbre. Sa puissance totale prévue est, de 70.000 chevaux (puissance dépassée pendant l'essai à outrance). L'appareil évaporatoire comprend quatre chaudières à petits tubes verticaux, à flamme directe (chauffant au mazout), timbrées à 20 kilos, ayant une surface de chauffe totale de 1.200 mètres; elles sont groupées par deux dans des compartiments indépendants.
On n'imagine pas ce que représentent d'efforts de tout ordre les prouesses comme celle que vient d'accomplir le Verdun si brillamment. Nos nouveaux navires de combat légers sont soumis à des essais très sévères comprenant : 1° la consommation de mazout à vitesse économique (18 nœuds = 33 km. 336) ; 2° la vitesse maximum à toute puissance. Le premier essai comporte une marche de huit heures à la vitesse économique, dite de croisière, au cours duquel la consommation horaire de mazout ne doit pas dépasser, pour les contre-torpilleurs type Verdun, 150 kilos par mille marin (1.852 mètres) parcouru. Le Verdun s'est adjugé, en même temps que le record de vitesse, le record de la moindre consommation en ne dépassant pas 143 kilos au mille.
Les épreuves de vitesse comprennent deux essais distincts : 1° une marche de neuf heures à la puissance maximum normale et en déplacement normal (avec le tiers environ du combustible total que les citernes peuvent contenir) ; 2° une marche de une heure à feux poussés, c'est-à-dire à outrance, les chaudières brûlant la quantité de mazout maximum compatible avec la sécurité des appareils.
Ces essais de vitesse ont lieu sur la base Groix-Les Glénans. Plusieurs parcours de la base sont effectués successivement en sens divers; la vitesse est déterminée par la moyenne des vitesses mesurées à chaque parcours. La difficulté de l'exécution aux très grandes vitesses résulte du fait que, aux extrémités de la base, il faut « se retourner » (cette expression est plus démonstrative que celle de virer) en décrivant une courbe avec un très petit angle de barre, donc à très grand rayon, de façon à troubler le moins possible le régime des machines. Or, à l'extrémité ouest de la base, la présence de nombreux « cailloux » rend cette giration extrêmement délicate.
D'autre part, sur la base elle-même, il importe essentiellement de suivre l'alignement de direction très exactement et en ne manœuvrant la barre que le moins possible, car même une très petite inclinaison du gouvernail suffit pour diminuer la vitesse. D'où l'importance capitale du rôle des « barreurs ». Le succès dépend en grande partie de leur adresse, de leur calme et de la promptitude de leurs réflexes. Sur le Verdun, la sélection avait conduit à. adopter, comme barreurs, un second-maître de manœuvre et un tout jeune matelot gabier se succédant toutes les demi-heures : deux as, d'âge et de grade très différents.
Ce magnifique résultat fait le plus grand honneur au Service technique des Constructions navales, particulièrement à l'ingénieur en chef du génie maritime Antoine, auteur des plans généraux des six contre-torpilleurs types Guépard et Verdun ; à la Société des Ateliers et Chantiers de la Loire qui a construit le Verdun; et, enfin, au commandant de ce merveilleux navire, le capitaine de vaisseau Richard.
Raymond LESTONNAT