Article de l'ILLUSTRATION N° 4519 du 12 Octobre 1929
Journal Universel Hebdomadaire
13, rue Saint Georges
Paris (9e)

base-vitesse-glenanBase des essais de vitesse du Verdun aux Glénans.

Notre marine militaire vient de remporter un nouveau et éclatant succès : le contre-torpilleur Verdun, de 2.690 tonnes, commandé par le capitaine de vaisseau Richard, a atteint, le 21 septembre, au cours de ses essais à toute puissance, sur la base des Glénans, la vitesse de 40 nœuds 19 (74 km. 431 à l'heure), en développant 84.000 chevaux, battant le record de son similaire le Valmy, qui, le 11 mai dernier, atteignit la vitesse de 39 nœuds 85 (73 km. 802 à l'heure), en développant 78.000 chevaux. Le Verdun est maintenant le navire le plus rapide des flottes de guerre et de commerce du monde. Ce match émouvant a débuté par Ie record du Guépard qui atteignit 38 nœuds 45 (71 km. 209).

le-verdunLe contre-torpilleur Verdun en pleine vitesse (74 kilomètres à l'heure) pendant un passage sur la base: la « finesse » de l'étrave et les lignes fuyantes de la carène réduisent au minimum la masse d'eau rejetée de chaque côté du navire.

L'appareil moteur du Verdun est constitué par deux turbines à. haute pression, deux turbines à basse pression et deux turbines de croisière formant deux groupes disposés en deux compartiments indépendants et actionnant chacun une hélice, par l'intermédiaire d'engrenages sur la ligne d'arbre. Sa puissance totale prévue est, de 70.000 chevaux (puissance dépassée pendant l'essai à outrance). L'appareil évaporatoire comprend quatre chaudières à petits tubes verticaux, à flamme directe (chauffant au mazout), timbrées à 20 kilos, ayant une surface de chauffe totale de 1.200 mètres; elles sont groupées par deux dans des compartiments indépendants.

vagues-le-verdunOn n'imagine pas ce que représentent d'efforts de tout ordre les prouesses comme celle que vient d'accomplir le Verdun si brillamment. Nos nouveaux navires de combat légers sont soumis à des essais très sévères comprenant : 1° la consommation de mazout à vitesse économique (18 nœuds = 33 km. 336) ; 2° la vitesse maximum à toute puissance. Le premier essai comporte une marche de huit heures à la vitesse économique, dite de croisière, au cours duquel la consommation horaire de mazout ne doit pas dépasser, pour les contre-torpilleurs type Verdun, 150 kilos par mille marin (1.852 mètres) parcouru. Le Verdun s'est adjugé, en même temps que le record de vitesse, le record de la moindre consommation en ne dépassant pas 143 kilos au mille.

commandant-richardLes épreuves de vitesse comprennent deux essais distincts : 1° une marche de neuf heures à la puissance maximum normale et en déplacement normal (avec le tiers environ du combustible total que les citernes peuvent contenir) ; 2° une marche de une heure à feux poussés, c'est-à-dire à outrance, les chaudières brûlant la quantité de mazout maximum compatible avec la sécurité des appareils.

Ces essais de vitesse ont lieu sur la base Groix-Les Glénans. Plusieurs parcours de la base sont effectués successivement en sens divers; la vitesse est déterminée par la moyenne des vitesses mesurées à chaque parcours. La difficulté de l'exécution aux très grandes vitesses résulte du fait que, aux extrémités de la base, il faut « se retourner » (cette expression est plus démonstrative que celle de virer) en décrivant une courbe avec un très petit angle de barre, donc à très grand rayon, de façon à troubler le moins possible le régime des machines. Or, à l'extrémité ouest de la base, la présence de nombreux « cailloux » rend cette giration extrêmement délicate.

D'autre part, sur la base elle-même, il importe essentiellement de suivre l'alignement de direction très exactement et en ne manœuvrant la barre que le moins possible, car même une très petite inclinaison du gouvernail suffit pour diminuer la vitesse. D'où l'importance capitale du rôle des « barreurs ». Le succès dépend en grande partie de leur adresse, de leur calme et de la promptitude de leurs réflexes. Sur le Verdun, la sélection avait conduit à. adopter, comme barreurs, un second-maître de manœuvre et un tout jeune matelot gabier se succédant toutes les demi-heures : deux as, d'âge et de grade très différents.

Ce magnifique résultat fait le plus grand honneur au Service technique des Constructions navales, particulièrement à l'ingénieur en chef du génie maritime Antoine, auteur des plans généraux des six contre-torpilleurs types Guépard et Verdun ; à la Société des Ateliers et Chantiers de la Loire qui a construit le Verdun; et, enfin, au commandant de ce merveilleux navire, le capitaine de vaisseau Richard.

Raymond LESTONNAT

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