La Pointe de Mousterlin (classée ZNIEFF)est le centre d'un site particulièrement original et intéressant. Deux cordons de dunes accrochés au platier de Mousterlin isolent deux zones amphibies d'aspects radicalement différents. A l'Ouest, la Mer Blanche où le flot pénètre chaque jour. A l'Est, le polder de Mousterlin pratiquement soustrait à l'influence des eaux marines depuis plus de 60 ans.
Les cordons littoraux bretons ont environ 2000 ans. La formation du littoral de Mousterlin pourrait être schématisée ainsi. Après une longue période de glaciation, la fonte des grandes calottes glaciaires continentales fait remonter le niveau de la mer qui submerge progressivement la plate-forme continentale. Vers 5500 ans avant JC, les hommes de la "guerre du feu" pouvaient encore aller à pied aux Glénan. Quand la mer arrive au niveau des roches de la Pointe de Mousterlin, les forces venant du large divergent alors sur ses deux flancs et l'énergie se trouve diminuée : le sable se dépose sous l'abri des rochers. Une fois le processus engagé, il s'auto-amplifie lui-même car la barre immergée joue également comme un frein sur les forces de transports des sédiments. Cette barre s'allonge de plus en plus; la racine du cordon s'engraisse et émerge. Le vent peut alors mobiliser du sable à marée basse, formant ainsi le cordon dunaire.
Ce site n'a pas d'équivalent en Bretagne, ni même en France. Dans sa thèse consacrée au relief de la Bretagne Méridionale, A. GUILCHER souligne la rareté d'une telle configuration : "Il faudrait aller en Baltique, aux Etats Unis, en Mer Noire et dans le Golfe de Guinée. Cette Pointe de Mousterlin est un véritable cap Hatteras en miniature."
LE MARAIS LITTORAL DE LA MER BLANCHE
La Dune
A la base du cordon, et plus encore depuis la construction de la cale pour les pêcheurs, le sable s'accumule sur l'estran. Dans ce secteur qui n'est pas érodé par la mer, les oyats ont colonisé la dune en touffes denses.
Un peu plus loin vers l'Ouest, un enrochement a été réalisé sur près d'un kilomètre. Depuis longtemps (1946, 1951, 1960, 1962, 1975, 1977) différents travaux avaient vainement tenté d'enrayer l'érosion. Après les dégâts des tempêtes de 1978 (la dune a reculé de 7 mètres en une seule tempête), la Municipalité fut contrainte de mettre en place cette infrastructure lourde (1980).
Juste après l'enrochement, la dune présente encore un aspect fragile. Malgré des protections légères, la dune poursuit son mouvement de recul. Elle forme un front abrupt, en falaise plus ou moins éboulée, qui signifie bien que l'érosion prédomine sur l'accumulation.
A mesure que l'on avance vers l'Ouest, le front s'adoucit et la dune, protégée par un ourlet de végétation, se raccorde sans rupture avec la plage. Dans ce secteur, la dune est stable. Cela ne veut pas dire qu'elle ne bouge pas mais que son profil reste équilibré. Car en effet, le cordon ne cesse de bouger. Il s'est allongé (d'environ 100 mètres entre 1952 et 1963), diminuant la largeur du goulet, il s'est aminci et a effectivement reculé.
Parmi les espèces végétales présentent sur cette flèche littorale, on trouve des lagunes, quelques pavots des sables ou encore des choux maritimes.
Les trois crochets de sable situés sur le côté Nord du cordon sont les témoins de la construction progressive de cette longue dune qui s'étire actuellement sur près de 4 km. Ils se forment grâce à la houle qui contourne l'extrémité du cordon et ils marquent donc les différents stades de la formation de cette flèche littorale.
La Vasière (slikke)
Chaque jour, par deux fois, la mer entre dans le marais. Dans cette partie dénommée la slikke par les scientifiques, seules les plantes halophiles peuvent survivre. Et encore, juste à l'entrée, le courant est trop fort pour que les grandes algues puissent se "cramponner". On y trouve plutôt des algues vertes comme l'ulve ou les entéromorphes.
La vie animale est à la fois discrète et très riche : les arénicoles psammivores sont signalés par des tortillons de sable, les coquillages filtreurs (palourdes et coques surtout)... Là où l'eau reste, c'est à dire dans le chenal ou dans les petites mares, crabes, alevins (de bars, de mulets ou de plies) et crevettes foisonnent. Mais il y a aussi tout ce que l'on ne voit pas : le phytoplancton (essentiellement composé de micro-algues telles que les diatomées), le zooplancton...
On trouve également sur un petit îlot au milieu de la slikke une plante remarquable, la spartine. C'est une des rares phanérogames qui vivent et se reproduisent en mer. Elle est d'une grande importance car c'est elle qui colonise la vasière en premier. Elle piège la vase, le niveau du sol s'élève, laissant la possibilité aux salicornes puis à la soude et à l'obione de s'installer. C'est ainsi que se constitue progressivement le schorre.
Le Pré-salé (schorre)
Le schorre ou pré-salé est la partie haute des vasières marines qui peut être paturée. La toponymie indique que l'élevage du mouton a du être très pratiqué à la Mer Blanche (Kermaout = Ferme du mouton / Kerboc'h = Ferme du bouc / Kerouanquen = Ferme de l'agneau blanc).
La surface semble parfaitement horizontale, mais il n'en est rien. Le chenal qui serpente en formant de véritables méandres est une prolongation de la slikke dans le schorre. Toutes ses ramifications sont remontées par la mer à chaque marée et la profondeur du chenal est parfois importante.
Des trous d'eau très peu profonds sont éparpillés dans le pré-salé. Parfois à sec, ils montrent alors les classiques polygones de dessication de la vase. Tous les 15 jours au moins, les grandes marées y renouvellent l'eau. Toute une vie (poissons, crabes, crevettes, plancton) trouve dans ces mares des conditions exceptionnelles au printemps et à l'automne car l'eau y est plus chaude qu'en mer, comme dans le chenal d'ailleurs. En revanche, la chaleur excessive rend les conditions très difficiles pour la vie animale l'été, d'autant que l'évaporation augmente chaque jour le taux de salinité de l'eau.
La richesse biologique des marais littoraux
Le marais est une serre à forte productivité végétale.
Outre les plantes du schorre, le phytoplancton, comparable à l'herbe des prairies, est au départ des chaînes alimentaires. Il se développe à merveille sur les marais littoraux car, en sus du gaz carbonique indispensable à la prospérité des végétaux, les trois éléments (sels minéraux nutritifs, énergie lumineuse et température) nécessaires à la vie se combinent au mieux. Ainsi, pendant les 3 ou 4 heures où la Mer Blanche est remplie, le plancton se développe et, à marée descendante, il va enrichir les eaux côtières.
Le marais est un "self-service" bien garni.
Pendant la marée montante, c'est l'heure du repas pour le zooplancton qui vient "brouter la prairie flottante", mais aussi pour les céphalopodes (calmar, seiche) ou les jeunes poissons (sardines, anchois, maquereaux...) qui mangent aussi bien le phytoplancton que le zooplancton.
Les poissons plats, mulets, bars ou daurades trouvent également leur bonheur, au ras du sol, en se nourrissant de toute la faune sortie du sable ou de la vase dès que la mer arrive.
Le marais est un abri.
Les alevins sont dans les chenaux du schorre où ils montent avec la marée. Le risque pour eux est de rester bloqué à marée descendante dans une mare trop petite. Les nombreux oiseaux présents sur le site seront alors des prédateurs redoutables.
LE POLDER ET LA DUNE DE MOUSTERLIN
En l'espace d'une cinquantaine d'années, le paysage situé à l'Est de la Pointe de Mousterlin a radicalement changé. Le polder s'est substitué au marais littoral.
Du marais...
Une flèche littorale, symétrique à celle de la Mer Blanche s'étirait vers l'Est, c'est-à-dire vers la Pointe de Beg-Meil. En 1840, le goulet qui laissait entrer la mer se situait à l'extêmité Est du cordon, à hauteur du lieu-dit le Vorlen. Il s'est ensuite déplacé vers l'Ouest pour se situer à Cleut-Rouz en 1903, puis à Mousterlin vers 1913. En quelques dizaines d'années, le goulet est donc passé d'une extrêmité à l'autre, certainement sous l'effet d'une modification de la direction des houles.
A cette époque, ce marais littoral présente les mêmes caractéristiques que celui de la Mer Blanche.
Au polder
Mais, le 28 décembre 1926, le Préfet du Finistère accorde une concession d'endigage à M. Bénac. Dix ans plus tard, la fermeture totale est réalisée et quelques 120 ha de palud se trouvent soustraits à l'influence directe de l'eau de mer.
A l'époque, M. Bénac fait indéniablement preuve d'un réel esprit d'entreprise et d'un goût du risque non moins développé. Conquérir plus de 120 ha de terres au profit de l'agriculture alors que la moyenne des propriétés du canton tourne autour de 4 ha s'avère une bonne opération. En fait, si M. Bénac fait figure de pionnier à Fouesnant, il est le continuateur de la gigantesque entreprise de conquête des hommes sur les marais littoraux depuis le XIème siècle (Dol, Marais Poitevin...).
Différentes digues témoignent de cette entreprise progressive de conquête du marais littoral. Le dernier ouvrage, terminé en 1930, est la digue dotée d'un grand système de vannes qui se trouve à Mousterlin, à l'ancien endroit du goulet.
Les saules ont effectué une conquête rapide du milieu puisqu'en 1954, le polder était pratiquement nu si l'on excepte une barrière de peupliers et de grands pins au pied du cordon littoral. En arrière, le paysage était surtout marqué par un impressionnant semis de pommiers à cidre.
L'écran des saules s'étiole progressivement pour laisser la place à une belle phragmitaie. Le phragmite est un roseau des marais et des fossés utilisé pour faire les toits de chaume.
Les saules, phragmites, pins et chênes se sont donc rapidement substitués aux prairies humides.
Propriété du Conservatoire du Littoral depuis 1982, le polder de Mousterlin est géré par un garde à la charge de la Commune de Fouesnant.
Cette acquisition a permis d'entreprendre des travaux sans lesquels le site serait devenu un maquis inextricable de saules. Drainer et éclaircir la végétation ont donc été les tâches prioritaires pour recréer le paysage. Plus récemment, et compte tenu des dégats occasionnés par l'ouragan de 1987, des plantations ont été effectuées. Actuellement, l'entretien est partiellement assuré par pâturage grâce à quelques poneys venus... de l'ile du Loc'h aux Glénan.
Le Conservatoire a choisi de remettre en état les vannes qui permettent au Garde de réguler les échanges d'eau entre le polder et l'Océan. La lagune saumâtre fait fonction de nurserie pour les poissons et certains crustacés.
Des zones de pêche autorisée existent depuis quelques années. Elles sont gérées par la Société de Pêche de Quimper et présentent l'originalité d'offrir à la fois des poissons d'eau de mer et d'eau douce.