Samedi 5 mars 1994 | La cale, au figuré et au propre |
Comme le savent tous les lecteurs et lectrices de L'Écho des Îles, la cale est une partie du quai qui forme une rampe en pente douce vers la mer, pour faciliter le chargement et le déchargement des navires. Elle est surtout utilisée dans les ports à marée.
Le mot est également employé pour désigner la partie d'un bâtiment située entre le pont le plus bas et la coque.
Par extension, des expressions marines ont été fabriquées, notamment au temps où les grands voiliers sillonnaient les mers. Il s'agissait surtout de dénommer des châtiments corporels infligés aux “punis” à bord des navires. Ces véritables supplices ont été interdits en 1848.
- la cale humide consistait à suspendre un homme à la vergue du grand-mât et à le laisser plonger plusieurs fois dans la mer,
- la cale sèche différait du précédent en ce sens qu'on laissait l'homme tomber sur le pont, ou, qu'on arrêtait sa chute avant qu'il eût touché la mer,
- la grande cale consistait à faire passer le “punis”, au moyen d'un deuxième cordage par dessous la quille du navire et de le remonter de l'autre bord.
Dieu merci, la cale sèche et la grande cale n'auraient pas été pratiquées en France.
L'expression “être à fond de cale” est employée pour dire
d'une personne qu'elle est ruinée. Elle est également employée pour dire qu'un homme ou un matériel tourne au maximum de ses possibilités.
Mais, revenons vers nos cales, rampes inclinées vers la mer !
L'entretien de celles-ci n'est pas chose aisée car ces ouvrages plongent deux fois par jour dans les flots et les algues qui ont vite fait de prendre possession de ce support. L'inconvénient est que le sol devient rapidement glissant du fait de la prolifération de ces ulves (laitue de mer) et fucus (goémon) et, la pente donnée à l'ouvrage - sa raison d'être - n'est pas faite pour améliorer l'équilibre des bipèdes que nous sommes. Il a donc fallu, très vite, trouver un moyen pour débarrasser la cale de ce revêtement visqueux.
Après avoir pratiqué l'arrachage et la coupe, l'homme a découvert que les produits chimiques pouvaient lui apporter une aide non négligeable en ce domaine. En effet, ces nouvelles substances, permettaient de venir à bout des algues, sans effort et de façon plus durable.
Après l'acide sulfurique, vite abandonné car il attaquait les anneaux d'amarrage, vint l'ère de l'acide chlorhydrique ; moins nocif, il était tout aussi efficace que le précédent. Durant de nombreuses années, les directions départementales de l'équipement ainsi que les directions des ports concédés, employaient ce produit, connu surtout sous le nom de Caltrix.
Mais en 1992, la direction des services des ouvrages d'art de l'équipement en a interdit l'usage. Cette décision est motivée par la protection des personnels pour des raisons d'hygiène et de sécurité d'une part, et pour éviter la corrosion des joints des ouvrages d'autre part.
L'impact écologique de cette décision a également été pris en compte par le service concerné.
Toujours est-il qu'aujourd'hui, ni la D.D.E., ni les ports, ne disposent plus de produit pour traiter ces algues indésirables.
En attendant que les chimistes mettent au point une nouvelle composition moins nocive, il est aujourd'hui recommandé, au lieu d'utiliser la raclette manuelle, d'utiliser la pompe à eau à haute pression (plus connue sous le nom de Kärcher) et de préférence à eau chaude. Les services techniques ale la D.D.E. estiment que la pression exercée sur les joints par le jet à haute pression est moins nocive que la corrosion provoquée par les traitements chimiques.
Les résultats obtenus à l'aide de l'acide chlorhydrique duraient environ six mois alors que le traitement par pompe à haute pression doit être renouvelé tous les deux mois.
Par ailleurs, l'emploi de ces pompes pose problème sur les îles dépourvues de station d'énergie électrique.
Il est grand temps que le produit nouveau, annoncé par quelques grandes sociétés chimiques, arrive sur le marché !
Jean Puloc'h